oublié de vous dire quelque chose), grâce surtout à l’entremise de la baronne de Haulka, très bien en cour, et du petit notaire Larbette auquel le ministre de la Guerre n’a rien à refuser. M. de Trisonaye s’affermit de jour en jour au pouvoir. Il semble vouloir consacrer sa vie entière au service de la France, ainsi que tous les Anciens et tous les Antiques de l’École Polytechnique, — « cette poule aux œufs d’or, dit le président Carnot, qui a donné à la France tant de couvées de bons citoyens ».
Mon père n’a point été couvé par la poule aux œufs d’or (il a toujours préféré les cocottes aux poules) mais c’est un bon citoyen tout de même. La preuve, c’est qu’il vient de publier une brochure, Le vrai Ressort de l’Allemagne, où il prouve que la puissance de nos voisins n’a d’autre base que le respect profond de l’élément civil pour l’élément militaire. « À Berlin, dit-il en un éloquent passage, à Berlin (in Berlin, sagt er,) j’ai vu la foule s’écarter respectueusement devant un capitaine d’infanterie. Voilà ce qu’on ne voit pas en France ! » Hélas ! non ; pas encore ; mais ça viendra. Du moins, la presse l’espère ; elle déclare que la brochure de mon père est un chef-d’œuvre ; et elle le représente comme un officier général du plus haut mérite et du plus grand avenir, comme un tacticien hors ligne et comme un puits de science. De plus, elle parle de l’intégrité qui le caractérise, et déclare que la dignité de sa vie privée défie la calomnie. Ça, par exemple… Pourtant, si c’était vrai, à présent ?
C’est vrai ! C’est vrai ! L’assurance m’en est donnée dès mon arrivée à Paris où je viens, au commencement d’avril, passer les deux mois d’un congé de convalescence (attaque opportune d’influenza). Et qui me la donne, cette assurance ? Mon père lui-même, que je trouve installé dans