facile ; mais l’idée m’en est insupportable ; je pourrais vivre sans épaulette, mais je ne me vois pas vivre sans épaulette… Un mariage, il est vrai, me priverait de ma liberté. Hé ! Qu’est-ce que j’en fais, de ma liberté ? Suis-je libre, seulement ?… Me Hardouin, auquel je vais faire une visite, m’assure que le célibataire est le seul être qui ignore la liberté des mœurs. « Si vous voulez connaître cette liberté, dit-il, et en jouir, mariez-vous. » Le notaire me laisse entendre que je ne retrouverai pas l’occasion qui m’est offerte. Il m’assure que la difformité de la jeune fille est à peine apparente. « Du reste, ajoute-t-il, ce n’est point un brevet de longue vie. » Je médite, en m’en allant…
Au Valvert, on s’impatiente. La comtesse devient agressive. Le comte me prend à part, deux ou trois fois, et ânonne des choses. « Mariage… lien sacré… devoir patriotique… béni de Dieu… l’Église… l’Armée… » Mlle de Lahaye-Marmenteau, maintenant, entre en lice. Elle parle dix fois par jour de mon père, l’appelle invariablement « le héros de Nourhas, conquérant du Garamaka ». Elle dit qu’il serait si heureux de me voir faire souche. Elle fait sonner très haut la fortune de sa filleule ; elle ne cache pas non plus — loin de là — son intention d’en faire son héritière. Mais Mlle de Lahaye-Marmenteau est-elle riche ?
On dit oui. Pourtant, aussi, on dit non. On dit qu’elle s’est ruinée pour son frère, autrefois, et s’est ainsi condamnée au célibat ; et que depuis ce temps le général subvient à ses besoins. On dit que les Lahaye-Marmenteau n’ont pas le sou. On dit que le général, bien que dépensant à pleines mains — c’est surtout à sa « générosité » qu’il va devoir, demain, sa situation à la tête de l’État-Major — n’a rien à lui. On dit qu’il se procure des fonds par des moyens douteux. On dit, pourtant, que ses mariages — et surtout le second — lui ont valu de grosses