sommes. Mais on dit, encore, que sa présente femme a obtenu une séparation de biens. Que croire ? Je sais pertinemment, pour ma part, que le général s’est livré à des trafics auxquels ne songerait même pas un homme riche ; mais… Après tout peu importe ; il est certain que M. Pilastre est riche. Est-ce sûr ?… J’interroge l’abbé, qui me déclare que, s’il faut en croire des gens bien informés… Il me sonde ; il cherche à connaître mes intentions. Je le presse : dois-je songer au mariage ? Il répond comme l’avocat de Panurge. Je le quitte — décidé à dire le soir même à la comtesse que je ne veux pas me marier.
Mais, le soir, j’ai à peine le temps d’apercevoir la comtesse ; elle est indisposée et se retire de bonne heure. Et Mlle de Lahaye-Marmenteau me montre une lettre de son frère le général, lettre qu’elle vient de recevoir et qui contient des phrases excessivement flatteuses pour mon père et pour moi. Et puis, le hasard fait que j’ai une longue conversation avec Mlle Pilastre ; une conversation telle que je ne l’aurais jamais espérée, pleine de charme. Mlle Pilastre ne me produit plus l’impression qu’elle m’avait donnée tout d’abord, celle d’un pauvre petit animal apeuré ; elle me semble une douce imperfection, très délicate et très intéressante, anxieuse de l’harmonie qui vibre dans le bonheur qu’on reçoit et qu’on donne. Je sens chanceler mes résolutions. On a beau dire, un mariage… Pourtant… Que faire ?…
Et voici quelqu’un, tout d’un coup, qui m’apparaît pour me dire ce qu’il faut faire. Adèle Curmont. Je reçois un mot, une après-midi, m’annonçant qu’elle vient d’arriver de Paris et qu’elle m’attend, toute affaire cessante, à l’hôtel du Chariot d’Or. Me rappelant le « sans rancune » avec lequel elle a pris congé de moi à Angenis et la façon