Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/53

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Le lendemain matin j’ai une grande joie. De la fenêtre de ma chambre, je vois poindre, au coin de la grille, la barbe de M. Raubvogel. Je descends quatre à quatre, et je rencontre sur le perron l’heureux propriétaire de cette barbe.

— Bonjour, mon cousin ! s’écrie-t-il, — oui, il m’appelle son cousin, comme ça ! — Bonjour, mon cousin ! Comment vous portez-vous, ce matin ? Vous avez l’air plus éveillé qu’une potée de souris. Voilà comme j’aime les enfants ! Ah ! quel fier luron vous ferez avant peu !

Très flatté et très ému, je bégaye une phrase quelconque.

— Je me porte très bien, monsieur, et j’espère…

— Monsieur ! s’écrie Raubvogel, monsieur ! Ah ! pas de Monsieur entre nous, s’il vous plaît. Nous sommes cousins. Appelez-moi votre cousin.

— Oui, mon cousin.

— C’est curieux, vraiment, dit Raubvogel à mon père qui vient de lui serrer le bout des doigts ; c’est curieux, mon commandant, — il appelle mon père : mon commandant ! Ah ! j’avais bien deviné que le cousin Raubvogel n’était qu’un demi-pékin ! — C’est curieux comme votre cher fils ressemble à ma mère quand elle était jeune : en plus mâle, bien entendu. Il y a déjà en lui quelque chose qui annonce le guerrier sans peur et sans reproche, qui montre qu’il sera le vrai fils de son père. Mais j’ai une miniature de ma mère, peinte lorsqu’elle avait une dizaine d’années…

M. Delanoix et sa fille Estelle succèdent au cousin Raubvogel. Puis, arrive le général de Rahoul, accompagné de l’officier d’ordonnance du maréchal. Il est midi, et, quelques instants après, mon oncle Karl ayant présenté