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Pas de vrai comique, en France, sans cocufications et sans lavements. Nulle nation ne trouva jamais autant de motifs de réjouissance dans ses infortunes conjugales et les ridicules aventures qui en dérivent, et dans ses douleurs d’entrailles.

La bourgeoisie, en effet, impose ses goûts et ses préférences au pays tout entier, qui les accepte ; les farces abjectes qui plaisent au tiers-état doivent réjouir l’aristocratie et mettre le peuple en belle humeur. Le peuple a toujours été incapable de trouver des divertissements qui lui fussent propres ; et l’aristocratie n’existe que pour mémoire (pour mémoire de ses trahisons passées et de son impuissance grotesque). Le caractère distinctif des productions que préfère la bourgeoisie est une grossièreté, une lourdeur de forme et une nullité de conception qui donnent la nausée à l’homme intelligent et l’enveloppent d’un indicible ennui. Ce caractère se retrouve dans les œuvres soi-disant sérieuses qu’apprécient les gens bien-pensants, dans les compilations soi-disant scientifiques qu’ils approuvent, dans la littérature qu’ils patronisent — littérature naturaliste, engendrée par leur appétit d’ordures, littérature psychologique, produite par leur soif d’espionnage. — Les valets d’art qui se mettent à leur service sont en grand nombre. Leur plume ou leur pinceau ne chôment point ; ils sont dirigés en leurs travaux et retenus dans la bonne voie par des pédants pompeux ou sans-façon, gardiens vigilants des grandes traditions du vieil esprit français. Francisque Sarcey fut, durant de longues années, le plus notoire de ces manieurs de férules. C’était, à vrai dire, un oracle. Quand il fut mort, et même avant que les fossoyeurs eussent eu le temps de faire disparaître sa charogne, ce fut à qui exhalerait le plus haut le mépris et le dégoût qu’avait inspirés, même à ses coreligionnaires, la sottise et la malhonnêteté de ce défenseur du bon sens selon Prudhomme. Mais, tant qu’il vécut, il put à son aise exalter l’imbécillité, glorifier l’ignorance, vilipender toute œuvre haute et généreuse ; il ne se trouva personne pour prendre au collet ce misérable et pour le