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V


Qui a du fer a du pain.
Blanqui.


Le peuple a la force dans ses mains, et ne s’en doute pas. Il ne se doute de rien, sinon de ceci : que sa servitude aura fatalement une fin ; de quoi il a grand’peur. Car, que lui arrivera-t-il quand il sera libre ? L’homme a été tellement abruti par des siècles de despotisme et surtout par un siècle de fausse liberté, que l’idée seule qu’il lui faudra se passer de maître le terrifie. Dès qu’il s’est libéré des liens que lui impose un gredin couronné, le peuple s’empresse de s’asservir lui-même en s’intitulant Peuple souverain ; ce qui lui permet, immédiatement, de déléguer sa souveraineté ; après quoi il s’accroupit sur son fumier, qu’il aime, et se met à gratter ses ulcères avec les tessons empoisonnés que lui passent ses délégués, et qui s’appellent des lois ; et rend grâces au Seigneur qu’il conçoit, mannequin sanguinolent tressé à son image, de l’avoir créé Peuple, et Souverain, et imbécile, et lâche.

Il y a beaucoup d’armes forgées pour le futur, dont on ne comprend point l’usage, dont on ne peut se décider à admettre l’existence, et qui existent. Elles sont là, attendant qu’on les empoigne. Il faudra bien qu’on s’en serve, un jour ou l’autre ; ou qu’on marche dessus, si l’on ne s’en sert pas, et qu’on se blesse au pied ; et qu’on crève de la blessure. C’est le Destin qui a forgé les armes. Il est