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nieux, et que les mains de la Révolution, seules, ont le droit de déchirer, et déchireront.

Donc, les possédants, obligés, après 70-71, d’admettre le principe des armées nationales, résolurent de perpétuer, en fait, la vieille distinction entre nation et armée et de continuer à cacher au peuple l’identité désormais réelle de ces deux termes. Ils purent y réussir facilement, après les carnages de la Commune et la répression féroce qui la suivit. Le peuple, qui avait été près de découvrir la signification du mot Patrie — et qui fut impitoyablement décimé, en 71, pour ce crime, — renonça à en poursuivre le sens et la définition ; se contenta d’illusions grotesques ; s’endormit par lassitude, d’abord ; continua à dormir, par lâcheté. De sorte que, avec l’épithète nationale accolée à Armée, avec l’épithète nationale accolée à Défense (une défense qui serait seulement celle des possessions des Riches), les coquins clérico-réactionnaires purent extorquer au peuple toutes les sommes nécessaires plus encore au développement de leurs intérêts privés (mercantiles, industriels et autres) qu’à la préparation d’une guerre. Une guerre, en effet, n’est pas ce que rêvent les classes dirigeantes.

L’armée telle qu’elle existe offre un immense débouché aux produits de toute espèce qui y sont consommés inutilement, stérilement, et que le souci de sa conservation ne permet point à la bourgeoisie de livrer à la consommation utile et féconde. La bourgeoisie trouve aussi, dans le corps des officiers, le pivot solide, sinon gratuit, autour duquel ses filles, pénétrées de sa grandeur, peuvent faire tourner leurs ambitions. L’armée interdit encore l’expression menaçante, et même bruyante, du mécontentement qu’excite l’état de choses actuel. L’armée, en défendant cet état de choses, protège du même coup l’Église dont l’activité incessante lie les uns aux autres et unifie autant que possible les éléments hétéroclites, voire hostiles, qui constituent le système présent. Elle assure à l’aristocratie, toute dégoûtante d’imbécillité et suant la trahison, un semblant de raison d’être, une soi-disant fonction qui