Page:Darien - La Belle France.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la honte, vous qui avez tout sacrifié au simulacre de patrie dont il s’est fait le grand-prêtre, voici quelques mots qu’il faut que j’aille cracher sur vos tombes : « Déroulède ne veut pas la guerre. » Écoutez ça, si les asticots n’ont pas encore boulotté vos esgourdes, tas d’ânes ! Déroulède est un homme de paix. Il ne ferait pas de mal à une mouche, ni même à un lion… Oh ! Déroulède, homme de paix, pardonne-moi d’avoir cru que tu voulais la guerre ; je vois bien maintenant que tu ne la veux pas, et que tout ce que tu disais, c’était pour rire. C’est dommage que ça ait fait tant pleurer ; mais du moment qu’on sait à quoi s’en tenir, puisque tu déclares toi-même que tu ne veux pas la guerre… Alors, qu’est-ce que tu veux, sale vache ? Qu’est-ce que tu veux, crapule ?… Douze balles dans la peau ? Tu les auras.

Par extraordinaire, Déroulède ne ment point lorsqu’il dit qu’il ne veut pas la guerre. Ni lui, ni ses associés d’infamie, ni la cohue des possédants, n’en veulent ; ils ont leurs raisons pour n’en pas vouloir. Ces raisons sont justement celles qui devraient pousser le prolétariat à la désirer vivement. Mais le prolétariat, conseillé par les imbéciles qui se sont chargés du soin de ses destinées et qui n’ont dans la tête que les poux qui garnissent leurs barbes, est hors d’état de rien comprendre. Il s’en est tenu aux vagues protestations de 1869 contre les armées permanentes, a continué bêtement à demander leur suppression sans avoir l’air d’y tenir beaucoup, et ne s’est même pas aperçu que son entrée en masse dans l’armée signifie son arrivée au pouvoir. C’est à peine s’il commence aujourd’hui à avoir l’intuition brumeuse de la mission des armées nationales ; il sent, plutôt qu’il ne comprend, que leur suppression dans l’état présent, c’est-à-dire leur transformation en armées prétoriennes, aurait pour lui des conséquences désastreuses. Il est donc en train de changer, sans trop s’en apercevoir lui-même, sa tactique à l’égard de l’armée, qu’il entend conserver malgré tout ; ainsi qu’il a modifié son opinion au sujet des machines, qu’il voulait détruire autrefois, et qu’il regarde aujourd’hui comme des instruments de bien-être pour un futur prochain.