Page:Darien - La Belle France.djvu/46

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son existence. Que ces gouvernants aient été bien coupables, comme le disait M. de Billing, c’est peu discutable ; autant, à coup sûr, que les gredins qui, par des tarifs de famine et l’organisation de la misère, ont abaissé le niveau intellectuel de la France et réduit le chiffre de sa population.

Donc, grâce à l’ignorance qu’on lui impose et aux contes à dormir debout qu’on lui prodigue, la nation peut se faire illusion à elle-même ; illusion, seulement ; car, avec quelque soin qu’on leur cèle la vérité, les peuples, comme les hommes, sont avertis par un instinct supérieur de la présence du mensonge ; ils ne le voient pas, mais ils le flairent. Et il suffit de jeter un coup d’œil en arrière pour s’apercevoir que la France n’a jamais cessé de soupçonner qu’on la trompait. Mais elle n’a pas voulu être détrompée. Il aurait fallu faire un effort ; il aurait fallu ne pas avoir peur. Et au lieu de se laisser confronter par la réalité de sa Défaite, elle a préféré rester face à face avec les fantômes vermoulus de ses Victoires mortes et le spectre imposteur de sa Victoire future.

Il est des gens, cependant, qui savent à quoi s’en tenir et ne s’illusionnent point. Les prétendants, par exemple. S’ils ne marchent pas, comme on dit, s’ils ont les pieds nickelés, ce n’est pas sans bonnes raisons. Tout le monde sait, et eux les premiers, qu’ils pourraient sans aucune crainte asseoir leur droit, divin ou profane, sur la croupe du premier cheval aux sabots matriculés qui viendrait à passer. La France est mûre pour une restauration — elle a mûri en espalier, le long des casernes — et ne se ferait pas tirer l’oreille pour acclamer un tyran authentique. Les prétendants pourraient se mettre assez facilement d’accord, le trône n’ayant encore qu’une place ; leurs chances sont à peu près égales. L’un ayant pour lui les gens d’église et l’autre les gens d’armes, on devrait soumettre le cas à l’arbitrage impartial, non pas de la courte paille, mais de la Botte de paille ; et le concurrent malheureux aurait la ressource, comme consolation, de se mettre dès le lendemain à la queue des souteneurs du nouveau régime, c’est-