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Ils n’y pensent pas. Ils n’en ont plus. « Nous avons besoin d’un Sauveur. » C’est un Sauveur qu’il leur faut.

Oui, en vérité, il leur en faut un. Eh bien ! ils l’auront !



… Je vois le Sauveur de demain
Faire le salut de l’épée
À toutes les croix du chemin.

F. Coppée.


Coppée va leur en amener un, qu’il a vu dans un rêve d’épopée.

Il le tient en laisse, au bout d’un chapelet, derrière la porte basse de la sacristie qui donne sur l’abattoir. Il n’y a pas besoin d’ouvrir la porte. On le connaît, son sauveur ; on l’a déjà vu ; on l’a assez vu. Il porte une soutane, en guise de chemise, sous son uniforme de capitulard ; et il a dans sa poche un goupillon-casse-tête, dernier modèle approuvé par N. N. S. S. de l’épiscopat national. Il est escorté d’Esterhazy, armé de sa lance de uhlan pontifical et tenant par la main le Père Du Lac, muni de son crucifix à ressort ; alliance qui ne peut surprendre, car comment un Esterhazy mangerait-il du prêtre ? C’est trop noir pour lui. Oui, voilà le sauveur que le Nationalisme tient en réserve. S’il parvient à sortir de l’égrugeoir où l’ont caché les serviteurs de Dieu et où les épouses du Christ viennent lui donner à téter, je vous promets un beau sauvetage, ô Français, Français que vous êtes. Vous devez pourtant savoir ce qu’ils vous ont coûté jusqu’ici, les sauveurs. Vous souvenez-vous ? Avez-vous oublié que ça finit toujours par un sauve-qui-peut, leurs sauvetages ? Coppée, lui, calomniateur des humbles et sangsue des pauvres, ne se le rappelle pas. Le souvenir de la part glorieuse qu’il prit à la guerre de 70 dont ses oraisons furent bien près de modifier le dénouement, la vision des mortiers qu’il sut contempler sans pâlir, des mortiers du pharmacien qui confectionna ses pilules pendant l’année