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lèchent les ulcères de Lazare, ce n’est pas parce qu’ils aiment Lazare. C’est parce qu’ils aiment les ulcères.



Qu’en dites-vous, blés mûrs, et qui donc vous moissonne ?
Eug. Pottier.


Vous n’ignorez point quel nombre immense de malheureux meurt chaque année, en France, de faim, de privations, de folie, des mille et une blessures que produit la misère. Je ne parle que de la France parce que c’est un pays très riche, d’une richesse réelle et multiforme, dans lequel, plus que dans aucun autre, la pénurie absolue devrait être une chose inconnue. On ne devrait pas avoir faim, en France. Et c’est justement le pays où, relativement, la détresse physique est la plus grande. Je préfère ne pas parler ici de la détresse morale.

Dans certaines contrées peu favorisées sous le rapport du climat ou de la fertilité du sol, une certaine somme de pauvreté peut être considérée comme à peu près naturelle. Dans un pays à la terre féconde, généreuse, au ciel pur, comme la France, la misère est anti-naturelle. On remarquera que je n’établis aucune différence entre la pauvreté et la misère. Les deux termes sont synonymes, exactement. La distinction qu’on a voulu créer entre eux, bien qu’elle soit commode pour les souteneurs du présent état de choses, n’existe pas. Dès qu’on manque du nécessaire, on est pauvre ; et dès qu’on est pauvre, on est misérable. Je ne crois pas que vivoter soit vivre ; c’est agoniser. Je ne reconnais pas de degrés dans le dénuement. Je pense que tout être qui raisonne autrement que moi à ce sujet est un infâme menteur qui mérite la mort.

Donc, la misère en France est anti-naturelle ; elle a toujours été créée de main d’homme, exprès. La France est le pays des Pactes de Famine. Le plus abominable qu’on ait jamais connu est en existence aujourd’hui. Le peuple