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III
AVANT-PROPOS

toujours les mettre dans vos poches ; mais, enfin, on voit bien que ce n’est pas fait pour arracher les dents. Vaut mieux que tout ça passe franco.

— C’est bien certain. Mais…

— Ah ! j’oubliais. La valise qui est dans le coin, là, c’est la valise de M. Randal ; il n’a pas voulu l’emporter, hier. Si elle ne vous gêne pas, je la laisserai dans la chambre ; elle est plus en sûreté qu’ailleurs ; car je sais bien qu’entre vous… À moins qu’elle ne vous embarrasse ?

— Pas le moins du monde.

— J’espère que Monsieur sera satisfait, dit l’hôtesse en se retirant. Et pour le tarif, c’est toujours comme ces messieurs ont dû le dire à Monsieur.

J’esquisse un sourire.


J’ai été très satisfait. Et le soir, retiré dans ma chambre, fort ennuyé — car j’avais appris que le roi Léopold était enrhumé et qu’il ne sortirait pas de quelque temps — il m’est venu à l’idée, pour tromper mon chagrin, de regarder ce que contenait la valise de M. Randal. Curiosité malsaine, je l’accorde. Mais pourquoi avait-on laissé ce porte-manteau dans ma chambre ? Pourquoi étais-je morose et désœuvré ? Pourquoi le roi Léopold était-il enrhumé ? Autant de questions auxquelles il faudrait répondre avant de me juger trop sévèrement.

Bref, j’ouvris la valise ; elle n’était point fermée à clé ; les courroies seules la bouclaient. Je n’aurai pas, Dieu merci, une effraction sur la conscience. Dedans, pas grand’chose d’intéressant : des ferrailles, des instruments d’acier de différentes formes et de différentes grandeurs, dont j’ignore l’usage. À quoi ça peut-il servir ? Mystère. Une petite bouteille étiquetée : Chloroforme. Ne l’ouvrons pas ! Une boîte en fer, avec des boulettes dedans. Qu’est-ce que c’est que ça ? N’y touchons pas, c’est plus prudent. Un gros rouleau de papiers. Je dénoue la ficelle qui l’attache. Qu’est-ce que cela peut être ? Je me mets à lire…

J’ai lu toute la nuit. Avec intérêt ? Vous en jugerez ; ce que j’ai lu cette nuit-là, vous allez le lire tout à l’heure. Et le matin, quand il m’a fallu sortir, je n’ai pas voulu laisser traîner sur une table le manuscrit