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LE VOLEUR

— Ah ! ah ! s’écria-t-il en anglais — car il parle couramment plusieurs langues, et même le portugais — ah ! ah ! j’en suis enchanté, en vérité. Le temps ne vous a pas manqué, par conséquent, pour vous rappeler notre entrevue à la gare du Nord, à Paris, le jour où vous êtes parti pour la Belgique ?

— Ce n’est pas le temps qui m’a fait défaut, certainement ; mais, jusqu’ici, je l’avoue, je n’avais gardé aucun souvenir de cet incident.

— C’est dommage ; la rencontre n’avait pas été absolument fortuite. Malgré tout, vous n’avez point oublié, j’espère, que je vous ai parlé, ce matin-là, de cette malheureuse famille Montareuil…

Je ne répondis pas ; sa visite, dès le début, m’avait semblé des plus louches et je voyais clairement, maintenant, où il voulait en venir. Si je me laissais intimider, j’étais perdu. Il fallait l’arrêter au premier mot agressif et, au deuxième, lui montrer l’escalier — ou le jeter par la fenêtre.

— Cette malheureuse famille, continua-t-il, si durement éprouvée ! Vous rappelez-vous, cher Monsieur, l’importance du vol dont Mme  Montareuil a été la victime ? Et dire que rien n’a pu mettre sur la trace du coupable… À Paris, à l’heure qu’il est, on n’a encore aucune indication… Il est vrai que si l’on poussait jusqu’à Londres…

— Monsieur l’abbé, dis-je, j’ai peine à comprendre pourquoi vous vous obstinez à me parler de choses et de gens qui ne m’intéressent en aucune façon. Je ne pense pas que vous veniez me réciter les faits-divers de l’année dernière par simple amour de l’art ; et j’ose croire que votre visite a un motif. Permettez-moi de le deviner. On vous avait promis de vous verser, lors de la conclusion du mariage que l’événement regrettable auquel vous faites allusion a empêché, une commission que vous n’avez pas touchée, naturellement. Le dépit vous a conduit à échafauder des histoires à dormir debout, que vous avez sans doute fini