Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
LE VOLEUR

dans des jardins, et qui trouve beaux les arbres et jolies les fleurs… c’est pour exécuter la sentence qui condamne à mort cet affamé à qui l’on avait arraché son gagne-pain, à qui l’on refusait du travail, et qui a volé quarante sous.

Cependant, à bien prendre, si l’on était obligé de donner de l’ouvrage à tous ceux qui n’en ont pas, qu’adviendrait-il ? La production, qui dépasse déjà de beaucoup la consommation, s’accroîtrait d’une façon déplorable ; et que ferait-on de tous ces produits ? Qu’en ferait-on, en vérité ?… D’autre part, si l’on permettait à chaque meurt-de-faim de s’approprier une pièce de quarante sous, où irait-on ? Calculez un peu et vous serez effrayé. Car, relativement, les pièces de deux francs sont en bien petit nombre, et il y a tant d’affamés !… Le mieux, en face d’une pareille situation, est encore de s’en tenir à la Loi, qui ne dit pas du tout que l’homme a droit au pain et au travail, et qui défend de prendre les pièces de quarante sous. Et cette loi, il faut l’appliquer avec vigueur, sans pitié, et même sans bonne foi. Il y va du salut de la Société.

Oui, plus j’y réfléchis, plus je trouve que le monsieur jovial avait raison. On ne guillotine pas assez… — on ne guillotine pas assez les gens comme lui.