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LE VOLEUR

l’État, l’activité morale ayant cessé avec l’existence de l’Individu, tous les progrès accomplis par le cerveau humain se retournent contre l’homme et deviennent des fléaux ; tous les pas de l’humanité vers le bonheur sont des pas vers l’esclavage et le suicide. Les outils forgés autrefois deviennent des buts, de moyens qu’ils étaient. Ce ne sont plus des instruments de libération, mais des primes à toutes les spoliations, à toutes les corruptions. Et il arrive que la machine administrative, qui a tué l’Individu, devient plus intelligente, moins égoïste et plus libérale que les troupeaux de serfs énervés qu’elle régit !

On a tellement écrasé le sentiment de la personnalité qu’on est parvenu à forcer l’être même qui se révolte contre une injustice à s’en prendre à la Société, chose vague, intangible, invulnérable, inexistante par elle-même, au lieu de s’attaquer au coquin qui a causé ses griefs. On a réussi à faire de la haine virile la haine déclamatoire… Ah ! si les détroussés des entreprises financières, les victimes de l’arbitraire gouvernemental avaient pris le parti d’agir contre les auteurs, en chair et en os, de leurs misères, il n’y aurait pas eu, après ce désastre cette iniquité, et cette infamie après cette ruine. La vendetta n’est pas toujours une mauvaise chose, après tout, ni même une chose immorale ; et devant l’approbation universelle qui aurait salué, par exemple, l’exécution d’un forban de l’agio, le maquis serait devenu inutile… Mais ce sont les institutions, aujourd’hui, qui sont coupables de tout ; on a oublié qu’elles n’existent que par les hommes. Et plus personne n’est responsable, nulle part, ni en politique ni ailleurs… Ah ! elle est tentante, certes, la conquête des pouvoirs publics !

Ces socialistes, ces anarchistes !… Aucun qui agisse en socialiste ; pas un qui vive en anarchiste… Tout ça finira dans le purin bourgeois. Que Prudhomme montre les dents, et ces sans-patrie feront des saluts au drapeau ; ces sans-respect prendront leur conscience à pleines mains pour jurer leur innocence ; ces sans-