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LE VOLEUR

si différentes que paraissent leurs directions, convergent en somme vers un même but ? J’en suis profondément convaincu, quant à moi. Combien de fois ne m’est-il pas arrivé, en surveillant l’établissement des écluses qui règlent le cours des rivières, de comparer les flots impétueux et désordonnés du fleuve à l’esprit humain sans guide et sans frein, et l’écluse elle-même aux lois sages, aux bienfaisantes mesures qui en renferment l’activité dans de justes bornes et en réfrènent les emportements. Oui, j’ai souvent songé aux rapports étroits…

— Vraiment ! s’écrie le criminaliste. Ah ! c’est merveilleux ! La façon dont vous concevez et dont vous exprimez les choses est aussi grandiose que neuve. Cette comparaison entre les flots tumultueux et les dérèglements de l’esprit humain… Ah ! c’est superbe… Permettez-moi Monsieur, de vous féliciter… Mais, j’y pense, continue-t-il en se tournant vers Montareuil, ne pourriez-vous pas engager monsieur votre ami à nous donner un article, si court soit-il, pour le prochain numéro de la Revue ? Un article dans lequel il développerait les belles idées dont il vient de nous offrir un aperçu si captivant ?

— En effet, répond Montareuil. Pourquoi, mon cher Randal, n’écririez-vous pas un article pour nous ? Vous y resteriez ingénieur tout en devenant moraliste ; et ce serait si intéressant !

Je manque d’éclater de rire — ou de tomber à la renverse. — Moi, rédacteur à la « Revue Pénitentiaire » ! Non, c’est trop drôle ! Il ne manquerait plus que Roger-la-Honte pour faire le Courrier de Londres et Canonnier pour envoyer des Correspondances d’Amérique… Mais le criminaliste et Montareuil ont les yeux fixés sur moi ; ils attendent ma décision avec anxiété. Si j’acceptais ? Oui, je vais accepter. Il y aura dans ma collaboration à la Revue une belle dose d’ironie, qui ne me déplaît pas du tout ; et si je suis jamais poissé sur le tas — ce qu’on rigolera !