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LE VOLEUR

— Eh ! bien, dis-je, puisque vous semblez le désirer…

— Ah ! merci ! merci ! s’écrient en chœur Montareuil et le criminaliste.

Ils me serrent chacun une main, avec effusion ; et le criminaliste me demande en souriant :

— N’aurais-je pas tort de supposer que vous prendrez pour texte de votre article la belle similitude dont vous vous êtes servi tout à l’heure ? « L’écluse et la morale », quel titre ! Ou bien encore : « De l’écluse, envisagée comme œuvre d’art, comme symbole, et comme obstacle opposé par la science… » Je crois que ce serait un peu long…

— Peut-être. Du reste, je ne demanderai pas l’inspiration de mon travail aux voix fluviales ; je préfère la trouver dans les voies ferrées.

— Ah ! dit le criminaliste, les chemins de fer !… Voilà quelque chose d’inattendu ! Je suis sûr, Monsieur, que vous ferez un chef-d’œuvre. Le prochain numéro de la Revue sera d’un intérêt supérieur. J’y publie, pour mon compte, une étude qui attirera l’attention ; c’est l’Esquisse d’un Code rationnel et obligatoire de Moralité pour développer l’Idéal public. Je n’ai plus qu’à en tracer les dernières lignes.

Alors, pourquoi ne va-t-il pas les écrire tout de suite ?

Il y va. Il se retire après de nombreux compliments et de grandes protestations d’amitié. Montareuil m’apprend qu’il voudrait avoir ma copie dans cinq ou six jours. Il l’aura. Sur cette assurance, nous sortons tous deux du café et, trois minutes après, il me quitte. Il sait que Paris est menacé d’une épidémie de coqueluche, et il va se faire inoculer. Je lui souhaite un bon coup de seringue.


La « Revue Pénitentiaire » a paru ; et mon article a fait sensation. Je l’avais intitulé : « De l’influence des tunnels sur la moralité publique. » J’y étudiais l’action heureuse exercée sur l’esprit de l’homme par