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LE VOLEUR

tion. Toutes les races ont leur fonction dans la physiologie de l’humanité.

J’ai fait durer le déjeuner aussi longtemps que possible ; il n’y a certainement pas moyen de retenir Issacar davantage. N’importe ; Canonnier et sa fille ont pu mettre le temps à profit et sont déjà, sans doute, à la gare du Nord. Il faudra que je prenne le train de Bruxelles ce soir, et que je les décide à partir demain pour Londres ; je n’ai pas confiance en l’hospitalité belge.

Nous sortons du restaurant. Un embarras de voitures, omnibus, fiacres, fardiers, camions, nous arrête au bord du trottoir au moment où nous allons traverser la rue ; les cochers jurent, les voyageurs tempêtent ; et l’un d’eux, là-bas, met la tête à la portière d’un fiacre à galerie chargé de malles, pour se rendre compte de ce qui se passe… Dieu de Dieu ! C’est Canonnier ! Pourvu qu’Issacar…

Mais Issacar n’est plus là. Il a sauté dans une voiture qui passait à vide, et qui suit au grand trot, à présent, le fiacre à galerie qui s’est remis en marche. Il se retourne, de loin, pour m’envoyer un salut accompagné d’un geste vague…

Que faire ? Que faire ?… Courir à la gare ?… C’est inutile. Le train sera parti avant que j’y puisse arriver, un train précédé d’une dépêche envoyée par Issacar aux mouchards de la frontière… Que faire ?… Rien. J’ai beau me creuser la tête, je ne vois rien à tenter. Ah ! pourquoi n’ai-je pas expliqué les choses à Issacar, tout à l’heure ?… Il n’a pas oublié qu’il me doit vingt mille francs et je suis convaincu qu’il aurait aidé Canonnier à échapper, si je lui avais demandé de le faire. Oui, pourquoi n’ai-je pas parlé ?… Ce qui doit arriver arrive, malgré toutes les mesures qu’on peut prendre, malgré toutes les combinaisons — et tous les stratagèmes… Ah ! il est bien inutile que je prenne le train ce soir, pour me croiser en route, avec celui qui ramènera Canonnier…