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LE VOLEUR

qui suivent le cours des idées qui roulent en mon cerveau, il y a longtemps que tu aurais dû venir.

Charlotte me regarde avec étonnement.

— J’aurais dû !… Mais ne savais-tu pas, toi ?…

— Je savais, oui… mais comment aurais-je pu deviner tout ce qui s’est passé depuis ? Il m’aurait été facile de me renseigner ? Je n’ai pas osé… On m’en a dissuadé. J’ai pensé…

— Quoi ? demande Charlotte d’une voix nerveuse. Quoi ? continue-t-elle, car je ne réponds pas. Qu’as-tu pensé de moi ?

— Je ne veux pas te le dire, et je ne veux pas mentir. Je suis un malheureux, voilà tout.

— J’espère, répond-elle au bout d’un instant et en changeant de ton, que je me suis alarmée à tort et que la petite va aller mieux ; mais si, par malheur… tu feras tout pour la sauver, n’est-ce pas ?

— Tout ce que je possède est à elle, dis-je, et à toi aussi.

Et je me mets à tisonner les charbons parce que je crois sentir mes yeux se mouiller un peu.

— Écoute, dit Charlotte ; ce n’est pas ta maîtresse qui est revenue à toi, mais la mère de ton enfant. Je ne te demande rien pour moi et je voudrais ne rien demander pour ma fille non plus ; mais… Voyons, Georges, regarde-moi. Pourquoi pleures-tu ?… Dis ?…

Elle se penche vers moi, m’attire à elle.

— Ah ! fou, fou ! Tu n’es pas méchant et tu es si dur pour ceux qui t’aiment… et que tu aimes aussi, peut-être… Embrasse-moi… N’est-ce pas, elle est jolie, ta fille ? As-tu vu comme elle te ressemble ? Dis-moi si tu l’aimeras.

— Non ; tu serais jalouse… Mais tu ne m’as pas seulement appris son nom…

— J’avais d’abord songé à lui donner le tien, répond Charlotte en rougissant, à l’appeler Georgette ; et puis, je n’ai plus voulu, je ne sais pourquoi… Elle se nomme Hélène.