Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
320
LE VOLEUR

qui a vu mon sac et arrive sur moi, tête baissée. D’un coup de pied, je lui relève la figure. Tant pis pour lui ! Si les loups se mettent à se manger entre eux… Devant Somerset House, je saute dans un cab.

— Enfin ! te voilà, s’écrie Charlotte. J’ai cru que tu ne reviendrais jamais. C’est affreux ! La petite a eu deux crises horribles… As-tu l’argent, au moins ?

— Je l’espère, dis-je.

Je pose le sac sur une table et je saisis le tisonnier. Je n’ai pas besoin de me gêner devant Annie, qui m’a suivi au premier étage ; et quant à Charlotte… Je fais sauter la serrure. Des rouleaux d’or, une liasse de bank-notes. Cinq cents livres, six cents peut-être.

— Good job ! s’écrie Annie chez qui triomphent les magnifiques instincts de piraterie qui caractérisent sa race. Bonne affaire !

— Tenez, vieille femme, voici cinquante livres ; prenez un cab, allez chez le docteur Scoundrel, dans Harley Street, donnez-lui ça d’avance et ramenez-le coûte que coûte. Dites, lui qu’il aura cent livres, deux cents, cinq cents, tout ce qu’il voudra…

Annie a descendu l’escalier quatre à quatre, et j’entends déjà s’éloigner la voiture qui l’emmène. Je mets les billets de banque dans ma poche et je vais déposer les rouleaux d’or au fond d’un tiroir. En me retournant, je vois Charlotte, très pâle, appuyée à un meuble, qui fixe sur moi des yeux égarés.

— Qu’as-tu fait, Georges ? me demande-t-elle d’une voix qui semble avoir peur d’elle-même.

Je hausse les épaules.

— Il fallait de l’argent, n’est-ce pas ?

Je m’assieds devant la cheminée et je jette au feu, un à un, quelques papiers et des carnets qui sont restés au fond du sac ; rien d’intéressant ; et autant ne point garder des objets qui pourraient me compromettre… quoique… Ah ! il est bien certain que Paternoster est sur ses jambes depuis longtemps… chez lui, sans doute, en train de se faire frictionner