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LE VOLEUR

Mais voici le télégraphiste qui s’en va… Je quitte le café et je vais examiner les étalages des magasins, en face. Et j’examine aussi, par la même occasion, un monsieur qui sort bientôt de la maison en toute hâte et fait signe à un fiacre. C’est Delpich, assurément. Teint blafard, taille rentassée, traits irréguliers, physionomie qui s’évade, il a l’air d’un témoin à décharge dans une affaire d’attentat aux mœurs.

Je le laisse s’éloigner dans son véhicule de louage et je m’en vais, en flânant, à la gare du Nord. Il s’agit de voir, maintenant, s’il prendra le train qui part pour Ostende à 8 heures 40.

J’arrive à la gare à 8 heures 35 et, deux minutes après, je suis témoin de la précipitation avec laquelle Delpich s’introduit dans la salle d’attente et se rue vers le guichet. En deux bonds, il est sur le quai ; d’un saut, il s’élance dans un wagon. Le train part. Bon voyage !…

Je reviens au no 84 de la rue d’Arlon dans le fiacre même que vient de quitter Delpich. La porte est encore ouverte ; tant mieux. Je monte l’escalier en m’arrêtant deux fois, bien que je ne sois pas asthmatique. D’abord, sur le palier du premier étage, afin de prendre l’empreinte des deux serrures d’une porte sur laquelle brille une plaque de cuivre portant ces mots : Cabinet du Directeur. La seconde fois, deux ou trois marches plus haut, pour enfoncer dans la semelle d’une de mes bottines un clou de tapissier qui se trouve dans ma poche, pas du tout par hasard. En six enjambées j’arrive au deuxième étage et je fais résonner vigoureusement la sonnette du tailleur.

Ce commerçant vient m’ouvrir en personne, ses employés étant déjà partis. Je m’excuse de venir le déranger à une heure indue, mais il me répond que j’exagère et qu’il est toujours à la disposition de ses clients, savez-vous. Je déclare que j’ai besoin d’un costume de voyage et d’un pardessus. On me fait choisir des étoffes, on me prend mesure. Je tiens à déposer des arrhes malgré les protestations du tailleur.