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LE VOLEUR

— C’est un bien vilain métier que vous faites là, Monsieur, me dit-elle. Mais comme c’est intéressant !

— Quelquefois, dis-je d’un petit air détaché, et en faisant un pas vers la porte, mon sac à la main.

— Comment ! s’écrie Mme Delpich, vous partez déjà ! Déjà ! Et vous m’abandonnez ? Vous me quittez sans même me dire ce que je dois faire à présent… à présent que vous m’avez compromise…

— Compromise ! dis-je, légèrement interloqué et en commençant à me demander s’il me sera aussi facile de sortir de la place qu’il m’a été aisé d’y entrer. Compromise !

— J’exagère peut-être un peu, reprend-elle en minaudant. Mais, vraiment, je ne sais que faire. Quand mon mari reviendra, il me tuera, c’est certain. Avez-vous pensé à cela, Monsieur ?

— Pas du tout, je l’avoue. D’autant moins, Madame, que vous n’aviez point attendu mon arrivée pour…

— Ah ! soupire-t-elle, vous me reprochez cruellement ma conduite, sans tenir compte du motif de mes actes. C’est ainsi que juge le monde ; il est impitoyable. Que diront les autres, si vous me jetez la pierre, vous, d’une pareille façon ? Quelle sera mon existence, mon Dieu !… Je le vois bien, il va falloir quitter Bruxelles, m’exiler, partir au loin, sans parents, sans amis, sans argent… sans argent…

Je comprends. Je commence même à douter un peu de l’existence des lettres de la mère coupable, et je me demande si Mme Delpich, pressentant les projets de son mari, n’avait pas entrepris d’exécuter l’opération que je viens de mener à bonne fin. C’est peut-être aller un peu loin. Pourtant… En tous cas, il est clair que je suis mis à contribution. Le plus sage est de m’incliner.

— Madame, dis-je en ouvrant mon sac, peut-être serez-vous en effet obligée de vous expatrier. Voici un paquet de billets de banque qui ne vous seront peut-être pas inutiles…