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LE VOLEUR

exemple. J’aime donc Geneviève ? Certainement. Qu’est-ce que c’est que l’amour, alors ? C’est le désir ; ou quelque chose dans ce genre-là. D’ailleurs, nous nous entendons parfaitement, elle et moi. On a eu bien raison de dire que c’est la similitude des goûts, plus que la conformité des tempéraments, qui fait la félicité des unions. Nous avons le même goût, tous les deux, pour l’argent d’autrui. Voilà un lien.

Je suis à vingt pas de la villa qu’habite Geneviève lorsque je vois un monsieur en franchir la grille, s’éloigner. Un homme de quarante ans, environ, grand, maigre, aux longues moustaches blondes. Une minute après, je suis dans la maison et, tout de suite, en présence de ma petite femme. J’ai eu bien tort de m’inquiéter. Elle ne s’est jamais mieux portée. Elle m’a fait venir, simplement, pour me demander conseil. Il paraît qu’un Autrichien très riche, à qui elle tient la dragée haute, lui promet des ponts d’or si elle consent à l’accompagner à Vienne.

— Tu l’as peut-être vu sortir de la maison ? Il me quittait comme tu es entré. Un grand, maigre…

— Oui, je l’ai aperçu, en effet ; eh ! bien ?

— Eh ! bien, voici : j’accepterais certainement, sous bénéfice d’inventaire, si une proposition analogue ne m’était pas faite d’un autre côté. Un vieillard, très riche aussi, me propose de le suivre à Paris, où il rentre demain. Il est fort généreux, je le sais. Et, ce qu’il y a de plus drôle, c’est qu’il porte le même nom que toi. Il s’appelle Urbain Randal. Ne serait-il pas ton parent ?

— Si, dis-je ; c’est mon oncle.

— Ah ! dit Geneviève un peu troublée… Ça ne te fait rien ?

— Ça me fait plaisir. C’est une canaille. Saigne-le à blanc, ma fille. C’est lui qu’il faut suivre.

— C’était mon avis. Je retrouverai toujours l’Autrichien. Mais, quant à ton oncle, comme il est usé au dernier des points… Tu sais, il ne va pas bien au tout… La paralysie… Il a déjà eu des attaques…