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LE VOLEUR

un peu mystérieuses de mon oncle m’intéressent, alors, quel est le voleur ?

— Je n’ai pas besoin de te dire son nom, répond mon oncle ; il ne t’apprendrait rien. C’est un jeune homme de ton âge, à peu près, et de ta taille — j’ai vu son portrait. — Il était l’amant de Mme Montareuil.

— Mme Montareuil ! Un amant !…

— Pourquoi pas ? Elle n’est pas la seule, je pense, dit mon oncle en haussant les épaules… Ça durait depuis deux ans. C’est là qu’est la bêtise. Qu’une femme, à n’importe quel âge, se passe un caprice, rien de mieux. Mais la liaison !… Car elle allait le voir souvent, l’entretenait — maigrement, c’est vrai ; j’ai vu des lettres — et le laissait venir chez elle, parfois, sous des prétextes… Il devait être au courant de tout et ne guettait évidemment qu’une occasion… On l’a vu descendre de voiture au coin de la rue, vers onze heures, le soir du vol…

— Qu’est-ce qu’il faisait ? qu’est-ce qu’il était ?

— Un pas grand’chose. Un de ces faux artistes de Montmartre dont le ciseau de sculpteur se recourbe en pince et qui ont dans la main le poil de leurs pinceaux. Des habitudes de taverne et de bouges sans nom ; des fréquentations abjectes. Du reste…

— Mais pourquoi ne l’a-t-on pas arrêté ? Il n’a pas reparu chez lui ? On ne l’a pas retrouvé ?

— Il n’a pas reparu chez lui, non. Mais on l’a retrouvé — avant-hier, dans la Seine. — Crime ou suicide ? Crime, certainement. Il n’avait pas un sou sur lui quand on l’a repêché, et l’on n’a rien trouvé dans son logement ; rien, bien entendu, à part les documents qui ont révélé son intimité avec Mme Montareuil.

— Ce n’est donc pas elle qui a donné les renseignements ?

— Elle ? Pas du tout. A-t-elle seulement songé à soupçonner son amant ? Je ne le crois pas. Elle ignore sa mort. Elle n’ose pas aller chez lui parce que, depuis