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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

feuilles semblables à celles-là quand on veut faire des expériences avec le camphre. Quelques-unes de ces feuilles laissées pendant quatre heures dans la solution prirent une teinte rose assez sale et sécrétèrent beaucoup de mucus ; bien que leurs tentacules fussent fortement infléchis, le protoplasma des cellules ne s’était pas du tout agrégé. Toutefois, dans une autre expérience, après une immersion de vingt-quatre heures, j’observai une agrégation bien marquée. Une solution faite en ajoutant 2 gouttes d’alcool camphré à 1 once d’eau n’exerça aucune action sur une feuille ; d’autre part, une autre solution faite par l’addition de 30 minimes d’alcool camphré à 1 once d’eau a exercé une action sur 2 feuilles plongées ensemble dans la solution.

M. Vogel a démontré[1] que les fleurs de diverses plantes se fanent moins vite quand on plonge la tige dans une solution de camphre que lorsqu’on la plonge dans l’eau ; il a démontré, en outre, que si les fleurs sont déjà un peu fanées elles reprennent plus vite leur fraîcheur dans la solution de camphre.

La solution de camphre accélère aussi la germination de certaines graines. Le camphre agit donc comme stimulant vis-à-vis des plantes et c’est le seul que l’on connaisse. Cela m’a conduit à faire de nombreuses expériences pour m’assurer si le camphre rend les feuilles du Drosera plus sensibles à une irritation mécanique qu’elles ne le sont ordinairement. Je plongeai 6 feuilles dans de l’eau distillée et les y laissai pendant cinq ou six minutes, puis je passai légèrement sur elles, à deux ou trois reprises différentes, pendant qu’elles étaient encore sous l’eau, un pinceau très-doux en poils de chameau ; il ne se produisit aucun mouvement. Ensuite, je passai une fois seulement le même pinceau, de la même façon qu’auparavant, sur neuf feuilles plongées dans une solution de camphre et que j’y ai laissées le temps indiqué dans le tableau suivant. Dans mes premiers essais je passai le pinceau sur les feuilles quand elles étaient encore dans la solution ; mais il me vint à la pensée que je pouvais enlever, en le faisant, la sécrétion visqueuse qui entoure les glandes et que, par conséquent, la solution de camphre pouvait agir plus efficacement sur elles. En conséquence, dans tous les essais subséquents, je sortais les feuilles de la solution de camphre, je les agitais pendant quinze secondes environ dans l’eau, je les plongeais alors dans de l’eau pure et je passais le pinceau sur elles, de façon à ce que cette irritation mécanique ne permette pas au camphre d’agir plus librement sur

  1. Gardener’s Chronicle, 1874, p. 671. — Des observations à peu près semblables ont été faites en 1798 par B.-S. Barton.