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supérieure de la feuille est recouverte de filaments portant des glandes ; j’appellerai ces filaments des tentacules, à cause de leur mode d’action. J’ai compté les tentacules de trente et une feuilles, et le nombre moyen des glandes s’est trouvé être de 192 ; mais quelques-unes de ces feuilles étaient extraordinairement grandes. Le nombre le plus considérable de glandes trouvées sur une feuille est de 260 et le plus petit de 130. Chaque glande est entourée de larges gouttes d’une sécrétion extrêmement visqueuse : ces gouttes, brillant au soleil, ont valu à la plante son nom poétique de rossolis[1].

Les tentacules du disque ou partie centrale de la feuille sont courts, et droits ; leurs pédicelles sont verts. Ils deviennent de plus en plus longs à mesure qu’ils se rapprochent davantage du bord de la feuille,

  1. Nous possédons en France quatre espèces de Drosera ; savoir : 1o D. rotundifolia, ; L., la plus commune de toutes ; 2o D. obovata, M. K. ; 3o D. longifolia, L., et 4o D. intermedia, Hayn. Elles habitent toutes les marais tourbeux, et les prairies spongieuses. Ainsi aux environs de Paris on trouve l’une ou l’autre des quatre espèces, à Montmorency, Dampierre, Saint-Léger, Rambouillet, Compiègne, Russe-Montigny, Malesherbes, etc. Le Drosera obovata est le plus rare de tous. La première et la dernière espèce sont signalées en Bretagne et en Vendée par M. Lloyd. La première est commune en Bourgogne, la dernière y est rare. Aux environs de Lyon, M. Balbis mentionne la première et la troisième au Pilat et dans les marais de Dessines. Communs dans les Alpes, le Jura et les montagnes de l’Auvergne, les Drosera disparaissent avec les marais tourbeux dans les plaines de la Provence et du Languedoc. Le Drosera rotundifolia seul existe encore sur les derniers contre-forts des Cévennes vers le Sud et de la montagne Noire ; il reparaît ensuite dans toute la chaîne des Pyrénées. Cette espèce s’étend en latitude, du Cap nord, de la Laponie jusqu’en Portugal et en Syrie ; en longitude, des îles Aléontiennes au Canada, c’est-à-dire sur presque toute la circonférence du globe. Ce petit végétal, doué de propriétés physiologiques si extraordinaires, est originaire du Nord et s’est propagé vers le sud pendant l’époque glaciaire. Où peut consulter à cet égard mes observations sur l’origine glaciaire des tourbières du Jura neuchâtelois et la végétation spéciale qui les caractérise, insérées dans le Bulletin de la Société botanique de France, t. XVIII, p. 406, et celles de M. Magnin sur la flore des marais tourbeux du Lyonnais, ibid., t. XXI, p. 46, 1874. Les autres espèces du genre Drosera, au nombre de 50 environ, sont toutes exotiques et distribuées en Australie, dans les deux Amériques, en Asie et en Afrique.
    Ch. M.