Page:Darwin (trad. Barbier) — Les plantes insectivores, 1877.pdf/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
348
DIONÆA MUSCIPULA.

tact avec les matières animales étaient parfaitement agrégées. On peut voir l’agrégation se produire très-rapidement si l’on plonge un morceau de feuille dans une faible solution de carbonate d’ammoniaque. Enfin j’ai laissé pendant huit jours sur une feuille des petits cubes d’albumine et de gélatine, puis j’ai ouvert la feuille. La surface entière était recouverte de sécrétions acides, et, dans les nombreuses glandes que j’ai examinées, le contenu de chaque cellule était admirablement agrégé en masses globulaires de protoplasma incolore, ou affectant une teinte foncée ou pourpre pâle. Ces masses changeaient lentement, mais incessamment de forme, se séparant quelquefois les unes des autres, puis se réunissant, en un mot, se comportant exactement comme les masses qui remplissent les cellules du Drosera. L’eau bouillante rend le contenu des cellules des glandes blanc et opaque, mais le blanc n’est pas aussi pur et ne ressemble pas tant à la porcelaine que chez le Drosera. Je ne saurais dire comment il se fait que les insectes vivants, capturés naturellement, excitent chez les glandes des sécrétions aussi rapides qu’il arrive ordinairement ; je suppose, toutefois, que la grande pression à laquelle sont soumis ces insectes fait sortir quelques excréments par les deux extrémités de leur corps ; or, nous avons vu qu’une quantité très-petite de matières azotées suffit pour exciter les glandes.

Avant d’aborder le sujet de la digestion, il est bon de constater que j’ai essayé, sans succès, de découvrir les fonctions des petits processus octofides qui émaillent les feuilles. D’après certains faits que je citerai dans les chapitres relatifs à l’Aldrovandie et aux Utriculaires, il m’avait semblé probable qu’ils servent à absorber les matières en décomposition laissées par les insectes capturés ; toutefois, leur position à la surface inférieure des feuilles et sur la tige rend cette explication fort peu probable. Néanmoins, je plongeai des feuilles dans une solution conte-