seule feuille dans un grand flacon, dont l’ouverture était imparfaitement bouchée avec de la ouate, contenant un drachme (3,549 millil.) de chloroforme. La vapeur du chloroforme provoqua chez les lobes un mouvement imperceptible au bout d’une minute ; au bout de trois minutes, les poils des bords se croisèrent et la feuille fut bientôt complètement fermée. Toutefois, la dose était beaucoup trop considérable, car, au bout de deux ou trois heures, la feuille avait tout l’aspect d’avoir été exposée au feu, et elle mourut bientôt.
J’exposai, pendant trente minutes, dans un vase ayant une capacité de deux onces, deux feuilles de Dionée à la vapeur de 30 minimes (1,774 millil.) d’éther sulfurique. Une feuille se ferma au bout d’un certain temps, et l’autre au moment où je la retirais du vase avec beaucoup de précautions. Ces deux feuilles avaient été vivement attaquées. J’exposai une autre feuille, pendant vingt minutes, à la vapeur de 15 minimes (0,88 millil.) d’éther ; les lobes de cette feuille se fermèrent dans une certaine mesure et les filaments devinrent complètement insensibles. Au bout de vingt-quatre heures, cette feuille recouvra sa sensibilité, bien qu’elle fût encore assez engourdie. Une feuille exposée, pendant trois minutes seulement, dans un grand flacon, à la vapeur de dix gouttes d’éther sulfurique, devint insensible. Au bout de cinquante-deux minutes, elle recouvra sa
mates et placés au centre des cellules ne seraient pas des organes absorbants.
Quand les auteurs cherchent pourquoi les feuilles des Dionæa, Drosera,
Pinguicula, etc., capturent les insectes, ils supposent toujours un but
déterminé, une cause, finale. Il est probable en effet qu’il en résulte quelque
avantage pour la plante. Néanmoins on doit aussi se poser la question préjudicielle de savoir si, en effet, ces captures profitent à la plante et si elles
ne sont pas dépourvues pour elle de toute utilité réelle, comme les nombreux organes évidemment inutiles aux végétaux et aux animaux qui en sont
pourvus. Il peut en être de même des fonctions et cette chasse aux insectes,
cette dissolution, cette absorption de leurs tissus pourrait bien n’avoir
aucune utilité immédiate et n’être que l’ébauche d’une fonction habituelle
chez les animaux inférieurs fixes tels que les Polypes, les Actinies, etc., où la
digestion et l’assimilation ne sont pas douteuses. Manifeste chez les Droséracées, absente ou obscure dans les autres plantes, cette fonction complémentaire des fonctions de nutrition par les racines, qui subsistent toujours,
ne serait qu’un argument de plus en faveur de l’origine commune des végétaux et des animaux. Je ne dis pas qu’il en soit ainsi, je ne le crois même
pas, mais la question peut se poser, et ici, comme toujours, il faut s’en tenir
aux faits observés et à leurs conséquences immédiates sans supposer un
but final qui peut-être n’existe pas.