Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
BÊTES BOVINES.

servé la naissance d’un veau noir, est, d’après le témoignage de lord Tankerville, inférieur à celui de Chillingham.

Le bétail qu’a gardé jusqu’en 1780 le duc de Queensberry, mais qui est actuellement éteint, avait les oreilles, le mufle et les orbites des yeux noirs. Celui qui existe de temps immémorial à Chartley, ressemble de près au bétail de Chillingham, mais il est plus grand, et offre quelques petites différences dans la couleur des oreilles. Il tend souvent à devenir entièrement noir ; il règne à ce propos dans le voisinage la superstition singulière que, lorsqu’il naît un veau noir, la noble maison de Ferrers est menacée de quelque calamité, et tous les veaux noirs sont détruits. Le bétail de Burton-Constable en Yorkshire, actuellement éteint, avait les oreilles, le mufle et l’extrémité de la queue noirs. Bewick cite qu’à Gisburne, aussi dans le Yorkshire, les animaux avaient quelquefois le mufle foncé, et seulement l’intérieur des oreilles brun ; ailleurs on les indique comme bas de taille et sans cornes[1].

Les quelques différences dans le bétail des parcs, que nous venons d’indiquer, méritent d’être signalées parce que si légères qu’elles soient, elles montrent que les animaux vivant presque à l’état de nature, soumis à des conditions extérieures à peu près uniformes, mais ne pouvant errer librement et se croiser avec d’autres troupeaux, ne restent pas aussi semblables que les animaux réellement sauvages. Pour leur conserver un caractère uniforme, même dans un parc limité, on voit qu’un certain degré de sélection, c’est-à-dire ici, — la destruction des veaux de couleur foncée — est nécessaire.

Dans tous les parcs, le bétail est blanc ; mais vu l’apparition occasionnelle de veaux de coloration foncée, il est peut-être douteux que la couleur du Bos primigenius primitif ait été le blanc. Toutefois les faits suivants semblent montrer qu’il y a chez le bétail sauvage ou rendu à la liberté, une tendance prononcée quoique pas absolue, à revenir au

  1. Je suis redevable au comte actuel de Tankerville des renseignements sur son bétail sauvage, ainsi que sur le crâne envoyé au prof. Rütimeyer. — Le rapport le plus complet sur le bétail de Chillingham est de M. Hindmarsh, accompagné d’une lettre du dernier lord Tankerville dans Ann. and Mag. of nat. Hist., vol. ii, 1839, p. 274. — Bewick, Quadrupeds, 2e édit. 1791, p. 35, note. — Pour le bétail du duc de Queensberry, voir Pennant, Tour in Scotland, p. 109. — Pour celui de Chartley, Low, Domesticated Animals of Britain, 1845, p. 238. — Pour Gisburne, voir Berwick, Quadrupeds, et Encyc. of rural Sports, p. 101.