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CAUSE DES VARIATIONS.

fait me frappe comme un exemple propre à montrer combien peu nous pouvons juger, d’après les habitudes ordinaires d’un animal, des circonstances accidentelles ou survenant par intervalles dont peuvent dépendre sa rareté ou son extinction. Il nous montre encore comment la sélection naturelle aurait déterminé la destruction de la modification niata, si elle s’était produite à l’état de nature.

Après cette description de la race semi-monstrueuse des niatas, je dois signaler le cas d’un taureau blanc, amené, dit-on, d’Afrique, qui fut exposé à Londres en 1829, et dont M. Harvey a donné de bonnes figures[1]. Il avait une bosse et une crinière. Son fanon était singulier et se partageait entre les jambes de devant en divisions ou plis parallèles. Chaque année ses sabots latéraux tombaient après avoir atteint une longueur de cinq à six pouces. L’œil très-saillant, ressemblait à une tasse et une boule, permettant ainsi à l’animal de regarder de tous les côtés avec facilité ; la pupille était petite et ovale, ou figurait plutôt un parallélogramme à angles abattus et placé en travers du globe oculaire. Une race nouvelle et bizarre eût pu être probablement formée par une sélection attentive appliquée à la progéniture de cet animal.

J’ai souvent réfléchi sur les causes probables qui ont fait que chaque district séparé de la Grande-Bretagne a eu autrefois sa race particulière de bétail ; mais la question est peut-être plus embarrassante pour le cas de l’Afrique du Sud. Nous savons que les différences peuvent être attribuées en partie à une descendance d’espèces distinctes, mais cela ne suffit pas. Est-ce que les légères différences dans le climat et la nature des pâturages des différentes régions de l’Angleterre, ont directement entraîné des différences correspondantes dans le bétail ? Nous avons vu que le bétail demi-sauvage des différents parcs n’est pas identique de couleur ni de taille, et que pour le conserver intact, il a fallu faire intervenir un certain degré de sélection. Il est à peu près certain qu’une nourriture abondante, continuée pendant beaucoup de générations affecte directement la taille d’une race[2]. L’action du climat

  1. Loudon’s Mag. of nat. Hist., vol. i, 1829, p. 113. Il donne des figures séparées de l’animal, de ses sabots, de l’œil et du fanon.
  2. Low, Domesticated Animals of British Isles, p. 264.