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LAPINS REDEVENUS SAUVAGES.

oreilles sont noires, la face supérieure de la queue est d’un gris noirâtre, et la plante des pieds est brune chez le L. tibetanus. Dans le L. glacialis, le manteau d’hiver est d’un blanc pur, la plante des pieds et les extrémités des oreilles exceptées. On remarque aussi cette tendance à une coloration plus foncée de ces mêmes parties, comparées au reste du corps, chez les lapins de fantaisie de toutes les couleurs. C’est ainsi, il me semble, qu’on peut chez le lapin himalayen, se rendre compte de l’apparition de ses marques colorées à mesure qu’il avance en âge. Je puis encore ajouter un cas analogue ; les lapins de fantaisie ont souvent une étoile blanche sur le front, et le lièvre commun, en Angleterre, offre également, pendant qu’il est jeune, ainsi que je l’ai moi-même observé, une semblable étoile blanche frontale.

Lorsqu’en Europe on met en liberté des lapins de diverses couleurs, et qu’on les replace ainsi dans leurs conditions naturelles, ils reviennent généralement à la couleur grise primitive ; ce qui est en partie dû à la tendance qu’ont tous les animaux croisés, comme nous l’avons observé, à revenir à leur état primordial. Mais cette tendance ne l’emporte pas toujours ; ainsi les lapins gris argenté, conservés en garenne, restent ce qu’ils sont, quoique vivant presque à l’état de nature ; mais il ne faut pas pourvoir la garenne à la fois de lapins gris argenté et de lapins communs, car alors, au bout de quelques années, on ne retrouve que de ces derniers[1]. Lorsque les lapins redeviennent sauvages dans les pays étrangers, dans des conditions différentes, ils ne reviennent pas toujours invariablement à leur couleur primitive. À la Jamaïque, les lapins sauvages sont décrits comme ayant une teinte ardoisée, saupoudrée de blanc sur le cou, les épaules et le dos, et virant au blanc bleuâtre sous le poitrail et l’abdomen[2]. Mais dans cette île tropicale, où les conditions ne favorisent pas leur propagation, ils ne se répandent pas beaucoup ; et j’apprends de M. R. Hill qu’à la suite d’un incendie considérable des forêts, ils ont actuellement disparu. Depuis

  1. Delamer, On Pigeons and Rabbits, p. 114.
  2. Gosse, Sojourn in Jamaica. 1851, p. 441 ; description par un excellent observateur, M. R. Hill. C’est le seul cas connu de lapins redevenus sauvages dans un pays chaud. On en conserve cependant à Loando (Livingstone, Travels, p. 407). M. Blyth m’apprend qu’ils se propagent bien dans certaines parties de l’Inde.