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LEUR ORIGINE.

Messagers, les Culbutants, etc., seraient singulières au plus haut degré. Nous serions forcés de supposer, non-seulement que l’homme a réussi à domestiquer complètement plusieurs espèces fort exceptionnelles, mais encore que ces mêmes espèces se sont toutes éteintes depuis, ou nous sont du moins inconnues. Ces deux circonstances sont si improbables que, pour soutenir l’existence d’autant d’espèces anomales, il faudrait des preuves indiscutables. Si, au contraire, toutes ces races dérivent de la C. livia, nous pouvons comprendre, ainsi que nous l’expliquerons plus tard, comment une légère déviation d’un caractère apparaissant une fois, a dû s’augmenter continuellement par la conservation des individus chez lesquels elle était le mieux accusée, et la sélection étant mise en jeu par l’homme et pour sa fantaisie, et non pour le bien de l’oiseau, l’importance de la déviation ainsi accumulée, devait certainement, comparée à la conformation des Pigeons vivant à l’état de nature, paraître anomale.

J’ai déjà mentionné ce fait remarquable que les différences caractéristiques des principales races domestiques sont éminemment variables ; nous le voyons clairement dans la différence du nombre des pennes rectrices du Pigeon Paon, dans le développement du jabot chez les Grosses-gorges, dans la longueur du bec des Culbutants, dans l’état des membranes verruqueuses des Messagers, etc. Ces caractères étant le résultat de variations successives accumulées par la sélection, leur variabilité est compréhensible, car elle porte précisément sur les parties qui ont varié depuis la domestication du Pigeon, et qui, variant encore aujourd’hui, toujours sous l’action soutenue de la sélection humaine, n’ont encore pu acquérir aucune fixité.

5o Toutes les races domestiques s’apparient bien entre elles, et ce qui est également important, leur progéniture hybride est tout à fait fertile. En vue de vérifier ce point, j’ai fait beaucoup d’expériences consignées dans la note ci-après, et de semblables essais auxquels s’est tout récemment livré M. Tegetmeier lui ont donné les mêmes résultats[1]. L’exact Neu-

  1. J’ai dressé une longue table des croisements variés opérés par les éleveurs sur les diverses races domestiques, mais qu’il est inutile de publier ici. De mon côté, et pour vérifier le fait spécial, j’ai fait beaucoup de croisements qui ont tous été fertiles. J’ai réuni sur un seul oiseau cinq des races les plus distinctes, et les aurais certainement réunies toutes avec