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PIGEONS DOMESTIQUES.

pent en même temps que la peau verruqueuse qui entoure les yeux ; les scutelles varient en nombre suivant la diminution ou l’augmentation de la grandeur des pattes ; le nombre des rémiges primaires varie avec la longueur de l’aile, et celui des vertèbres sacrées du Grosse-gorge, augmente avec l’allongement de son corps. Ces différences importantes de conformation, ne caractérisent pas absolument une race donnée, mais si on y eût fait attention et qu’on leur eût appliqué la sélection, comme on l’a fait pour les différences extérieures plus apparentes, il n’y a pas à douter qu’on ne fût parvenu à les rendre constantes. On eût certainement obtenu une race de Culbutants à neuf au lieu de dix rémiges primaires, car ce nombre reparaît souvent sans aucune intention de l’éleveur, et même contrairement à son désir, dans le cas des variétés à ailes blanches. De même, si les vertèbres eussent été visibles, et que les éleveurs eussent porté leur attention sur elles, rien n’eût été plus facile que d’en fixer de supplémentaires chez les Grosses-gorges. Ces derniers caractères une fois fixés et rendus constants, jamais nous n’eussions soupçonné leur grande variabilité antérieure, ni leur provenance d’une corrélation avec la brièveté des ailes dans le premier cas, avec la longueur du corps dans le second.

Pour comprendre comment les races domestiques principales sont devenues très-distinctes les unes des autres, il faut avoir présent à l’esprit, que les éleveurs cherchant toujours à faire reproduire les meilleurs individus, laissent par conséquent de côté, dans chaque génération, ceux qui sont inférieurs quant aux qualités recherchées ; de sorte qu’après un certain temps, les souches parentes et un grand nombre de formes intermédiaires subséquentes, s’éteignent et disparaissent. C’est ce qui est arrivé pour les Grosses-gorges, Turbits et Tambours ; ces races très-améliorées sont en effet actuellement isolées, sans aucune forme intermédiaire qui les relie soit entre elles, soit avec la souche primitive, celle du Bizet. Dans d’autres pays, où on n’a pas eu les mêmes soins ou suivi les mêmes modes, les formes anciennes ayant pu rester longtemps intactes ou légèrement modifiées, nous pouvons quelquefois remonter la série et retrouver les chaînons intermédiaires. C’est le cas en Perse et dans l’Inde pour le Messager et le Culbutant, qui, dans ces