Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
INTRODUCTION.

descendance des anciens habitants ou colons de l’Amérique du Sud, comme pouvant seule expliquer la prédominance des types américains sur une aussi grande étendue de pays.

Rien n’évoque plus fortement à l’esprit la question de la succession des espèces, que d’exhumer de ses propres mains les gigantesques ossements fossiles de certains animaux éteints. J’ai trouvé dans l’Amérique du Sud d’énormes fragments de carapaces offrant, mais sur une échelle magnifique, les mêmes dessins en mosaïques qui ornent aujourd’hui le test écailleux du petit tatou ; j’ai trouvé de grosses dents semblables à celles du paresseux vivant actuellement, et des ossements analogues à ceux du cabiai. Une succession analogue de formes voisines des types actuels a été antérieurement observée aussi en Australie. Nous voyons donc là la persistance, dans le temps et dans l’espace, des mêmes types dans les mêmes régions, comme s’ils descendaient les uns des autres, et dans aucun des cas la similitude des conditions ne peut suffire à expliquer la similitude des formes vivantes. Il est notoire que les restes fossiles de périodes immédiatement consécutives, offrent de grandes analogies de conformation, ce qui se comprend de soi si ces organismes sont également en rapports de descendance immédiate. La succession des nombreuses espèces distinctes d’un même genre au travers de la longue série des formations géologiques semble n’avoir pas été interrompue. Les espèces nouvelles arrivent graduellement une à une. Certaines formes anciennes et éteintes montrent fréquemment des caractères combinés ou intermédiaires, comme les mots d’une langue morte comparés aux rejetons qu’elle a fournis aux diverses langues vivantes qui en dérivent. Tous ces faits et beaucoup d’autres m’ont paru indiquer la descendance avec modification comme la cause de la production de nouveaux groupes d’espèces.

Les habitants du globe passés et présents, se rattachent les uns aux autres par les affinités les plus singulières et les plus complexes, et peuvent être distribués en groupes sous d’autres groupes, de la même manière qu’on peut classer des variétés sous des espèces, et des sous-variétés sous des variétés, mais avec des degrés plus considérables de différences. On verra dans mon troisième ouvrage que ces affinités complexes