Aller au contenu

Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
CANARDS DOMESTIQUES.

rences de tempérament qui existent au début entre ces différents canetons fraîchement éclos. Les canetons sauvages se montraient dès le commencement très-familiers pour ceux qui les soignaient, tant qu’ils portaient les mêmes vêtements, et étaient accoutumés aux chiens et chats de la maison. Mais la vue d’hommes ou de chiens étrangers les effrayait énormément. Contrairement à ce qui a été observé en Suède, M. Hewitt a toujours trouvé que ses jeunes canards changeaient et dégénéraient dans le cours de deux ou trois générations, tout croisement avec le canard domestique ayant d’ailleurs été évité avec le plus grand soin. Ses canards, après la troisième génération, perdaient le port élégant de l’espèce sauvage, et commençaient à prendre les allures du canard commun. À chaque génération ils augmentaient de taille, et leurs pattes perdaient de leur finesse. Le collier blanc autour du cou du canard devenait plus large et moins régulier, et quelques-unes des plus longues rémiges primaires devenaient plus ou moins blanches. M. Hewitt détruisait alors ses canards, et se procurait de nouveaux œufs de nids sauvages, de sorte qu’il n’a jamais poussé la même famille à plus de cinq ou six générations. Ses oiseaux continuaient à s’associer par couples, et ne sont jamais devenus polygames comme le canard domestique ordinaire. Je donne ces détails, parce que je ne connais aucun autre cas d’une observation aussi complète, et faite par un homme plus compétent, sur les changements progressifs qu’éprouvent les oiseaux sauvages, soumis pendant plusieurs générations à l’influence de la domestication.

Il ne peut donc y avoir de doute, sur le fait que le canard sauvage ne soit la souche primitive de la forme domestique ordinaire, et il n’est point besoin de chercher d’autres espèces distinctes comme souches des autres races domestiques plus marquées que nous avons énumérées plus haut. Je ne renouvellerai pas les arguments invoqués déjà dans les chapitres précédents, sur l’improbabilité que l’homme ait autrefois domestiqué plusieurs espèces inconnues ou éteintes, puisque les canards à l’état sauvage ne sont pas facilement exterminés ; sur la présence, chez ces espèces primitives supposées, de caractères anormaux relativement à ceux des autres espèces du genre, tels que les canards à bec courbé et les Pingouins ; sur