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CHIENS.

cependant qu’on a trouvé dans des dépôts tertiaires récents, des ossements se rapprochant davantage de ceux d’un gros chien que de ceux du loup, ce qui serait favorable à l’opinion de de Blainville sur la provenance de nos chiens d’une espèce unique et éteinte. D’autres auteurs vont jusqu’à affirmer que chaque race domestique principale a dû avoir son prototype sauvage. Cette dernière opinion est extrêmement improbable ; elle ne laisse rien à la variation ; elle méconnaît les caractères presque monstrueux de certaines races ; et elle suppose nécessairement l’extinction d’un grand nombre d’espèces depuis l’époque où l’homme a domestiqué le chien ; tandis que nous voyons que l’action humaine n’a pu exterminer qu’avec difficulté les espèces sauvages de la famille des chiens, puisque le loup existait encore en 1710 dans un pays aussi peu étendu que l’Irlande.

Voici quelles sont les raisons qui ont conduit divers auteurs à admettre la descendance des chiens domestiques de plus d’une espèce sauvage[1]. D’abord, les grandes différences qui existent entre les diverses races ; cette raison n’aura que peu de valeur, après que nous aurons vu combien peuvent devenir considérables les différences entre plusieurs races d’animaux domestiques provenues cependant et d’une manière certaine d’un ancêtre unique. Secondement, le fait plus important que, dès les temps historiques les plus reculés dont nous ayons connaissance, il existait déjà plusieurs races de chiens assez dissemblables entre elles, et analogues ou identiques aux races actuelles.

Parcourons rapidement les documents historiques. Entre le xive siècle et la période classique romaine[2], les matériaux

  1. Pallas, je crois, est l’auteur de cette doctrine, dans Act. acad. St.-Pétersbourg, 1780, part. II. — Ehrenberg l’a défendue, comme on le voit dans de Blainville, Ostéographie, p. 79. — Elle a été poussée à l’extrême par col. Hamilton Smith dans Naturalist Library, vol. IX et X. — M. C. Martin l’adopte dans son excellente History of the Dog, 1845 ; ainsi que le Dr. Morton et MM. Nott et Gliddon aux États-Unis. — Le professeur Lowe dans ses Domesticated Animals 1845, p. 666 arrive à la même conclusion. James Wilson d’Édimbourg, dans divers travaux lus à la Société Wernérienne et à la Société agricole des Highland, a développé la même idée avec beaucoup de force et de clarté. — Is. Geoffroy St.-Hilaire (Hist. nat. gén. 1860, t. III, p. 107), quoique regardant la plupart des chiens comme descendant du chacal, penche à croire que quelques-uns descendent du loup. Le prof. Gervais (Hist. nat. Mamm. 1855, t. II., p. 69), discutant l’opinion de la descendance des races domestiques d’une seule espèce, la regarde comme la moins probable.
  2. Berjeau, Les variétés du Chien, dans des vieilles sculptures et images, 1863. — Dr. F. L. Walther, Der Hund, Giessen 1817, p. 48. Cet auteur paraît avoir étudié avec