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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/362

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PLANTES CULINAIRES.

verses formes cultivées. Si nos choux sont les descendants de trois ou quatre espèces distinctes, toute trace d’une stérilité qui peut avoir primitivement existé entre elles est actuellement perdue, car si on ne prend les plus grands soins pour éviter les croisements entre les variétés, il est impossible de les conserver distinctes.

D’après l’opinion de Godron et de Metzger[1], les autres formes cultivées du genre Brassica descendraient de deux espèces, les B. napus et rapa ; d’autres botanistes en admettent trois, d’autres enfin soupçonnent fortement toutes ces formes tant sauvages que cultivées, d’appartenir à une seule et unique espèce. Le Brassica napus a donné naissance à deux grands groupes, qui sont : les navets de Suède (que quelques-uns regardent comme d’origine hybride[2]) et les colzas, dont les graines fournissent de l’huile. Le Brassica rapa (de Koch) a aussi produit deux races, la rave ordinaire, et la navette, qui fournit de l’huile ; plantes qui, malgré les différences de leur apparence extérieure, appartiennent évidemment à la même espèce ; Koch et Godron ont vu la rave perdre ses grosses racines dans un sol inculte, et lorsqu’on sème ensemble les raves et les navettes, elles s’entrecroisent à un tel point qu’à peine trouve-t-on une plante qui soit restée fidèle à son type[3]. Metzger a pu, par la culture, transformer la navette d’hiver et bisannuelle en la variété d’été annuelle, — variétés regardées comme spécifiquement distinctes par quelques auteurs[4].

Dans la production de grosses tiges, charnues comme celles des raves, nous trouvons donc dans trois formes qu’on considère comme des espèces distinctes, un cas de variation analogique. Peu de modifications paraissent être plus promptement acquises que ce développement des racines ou des tiges, qui ne sont qu’un approvisionnement de nourriture accumulée pour l’usage de la plante future. Nous voyons cela dans les radis, les bettes, dans une variété moins connue du céleri, dont les racines ressemblent à des raves, et dans le finocchio ou variété italienne du fenouil. M. Buckman a récemment, par des expériences fort intéressantes, montré comme on peut rapidement augmenter le volume des racines du panais sauvage, chose que Vilmorin avait précédemment prouvée aussi pour la carotte[5]. Cette dernière plante à l’état cultivé, ne diffère dans presque aucun de ses caractères de l’espèce sauvage d’Angleterre, autrement que par le développement et la qualité de ses racines ; mais on cultive de celles-ci en Angleterre[6] dix variétés différant par leur couleur, leur

  1. Godron, O. C., t. II, p. 54. — Metzger, O. C., p. 10.
  2. Gardener’s Chronicle, etc., 1856, p. 729.
  3. Ibid., 1855, p. 730.
  4. O. C., p. 51.
  5. Ces essais de Vilmorin ont été cités par beaucoup d’auteurs. M. Decaisne a récemment soulevé des doutes sur ce sujet, par suite des résultats négatifs obtenus par lui, mais ceux-ci ne peuvent avoir la valeur de résultats positifs. D’autre part, M. Carrière raconte (Gard. Chronicle, 1865, p. 1154) qu’ayant semé de la graine d’une carotte sauvage, croissant loin de toute terre cultivée, il obtint dès la première génération des plantes dont les racines différaient déjà par leur forme plus renflée, et étaient plus longues, plus tendres et moins fibreuses que celles de la plante sauvage. Il a obtenu plusieurs variétés de ces plantes.
  6. Loudon, Encyclop, of Gardening, p. 835.