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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/388

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FRUITS.

qui en portait. Knight a fait une observation analogue sur un pommier à cidre, et ajoute qu’il n’a vu qu’une fois ces insectes précisément au-dessus de la souche, mais qu’ils avaient entièrement disparu trois jours après. Ce pommier était le résultat d’un croisement entre le « Golden Harvey » et le pommier sauvage de Sibérie, lequel est regardé par quelques auteurs comme une espèce distincte.

N’oublions point le fameux pommier de Saint-Valery ; sa fleur présente un double calice à dix divisions, quatorze styles surmontés de stigmates obliques très-apparents, mais est dépourvue d’étamines et de corolle. Le fruit est étranglé au milieu, et est formé de cinq loges à pépins, surmontées de neuf autres[1] Étant privé d’étamines, une fécondation artificielle est nécessaire, et les filles de Saint-Valery vont chaque année « faire leurs pommes, » chacune marquant ses fruits avec un ruban, et comme on emploie différents pollens, les fruits diffèrent ; nous avons donc là un exemple de l’action directe d’un pollen étranger sur la plante qui porte le fruit. Ces pommes monstrueuses renferment, comme nous l’avons vu, quatorze loges à graine ; la pomme Pigeon[2], d’autre part, n’en a que quatre au lieu de cinq, qui est le nombre ordinaire ; il y a donc certainement là une différence remarquable.

La Société d’horticulture énumère dans son catalogue de 1842 huit cent quatre-vingt-dix-sept variétés, mais n’offrant pour la plus grande partie que des différences de peu d’intérêt, car elles ne se transmettent pas rigoureusement. Ainsi on ne peut pas obtenir de la graine de la « Ribston Pippin » un arbre de même nature, et on dit que la « Sister Ribston Pippin » était une pomme blanche demi-transparente et acide, comme une pomme sauvage un peu grosse[3]. Ce serait cependant une erreur de croire que dans la plupart des variétés, les caractères ne soient pas, jusqu’à un certain point, héréditaires. Sur deux lots de plantes levées des graines de deux variétés bien marquées, on en trouvera certainement un plus ou moins grand nombre sans valeur, ressemblant à des sauvageons ; mais en somme, non-seulement les deux lots différeront l’un de l’autre, mais encore ressembleront, dans une certaine mesure, à leurs parents. Cela se voit très-nettement dans divers sous-groupes[4] actuels, qu’on sait être provenus d’autres variétés portant les mêmes noms.

Poiriers (Pyrus communis). — Je n’ai que peu de chose à dire de cet arbre qui, déjà à l’état sauvage et à un degré extraordinaire à l’état cultivé, varie par ses fruits, ses fleurs et son feuillage. M. Decaisne, un des plus célèbres botanistes de l’Europe, en a étudié avec soin les nombreuses variétés[5], et bien qu’autrefois il ait cru à leur provenance de plusieurs

  1. Mém. de la Soc. Linn. de Paris, t. III, 1825, p. 164. — Seringe, Bull. Bot., 1830, p. 117.
  2. Gardener’s Chronicle, 1849, p. 24.
  3. Ibid., 1850, p. 788.
  4. Sageret, Pomologie physiologique, 1830, p. 263. — Downing, O. C., p. 130, 134, 139, etc. — Loudon, O. C., vol. VIII, p. 317. — Alexis Jordan, de l’Origine des diverses variétés, dans Mém. de l’Acad. imp. de Lyon, t. II, 1852, p. 95, 114. — Gardener’s Chronicle, 1850, p. 774, 788.
  5. Comptes rendus, 6 juillet 1863.