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ACTIONS MODIFICATRICES.

chiens de cette race qu’on trouve dans les environs de Xérès y ont été importés par les Anglais. Le terreneuvien nous offre un cas analogue ; car, très-certainement importé de Terre-Neuve en Angleterre, il est maintenant si considérablement modifié, qu’ainsi que plusieurs auteurs l’ont remarqué, il ne ressemble à aucun des chiens existant actuellement dans l’île de Terre-neuve[1].

Ces divers cas de changements lents et graduels dans nos chiens anglais offrent de l’intérêt ; car, bien que ces changements aient eu généralement, mais pas toujours, pour cause un ou deux croisements avec une race distincte, nous pouvons être sûrs, vu la grande variabilité des races croisées, qu’il a fallu l’action d’une sélection rigoureuse et longtemps soutenue pour les améliorer dans un sens bien déterminé. Dès qu’une branche ou famille se trouvait légèrement améliorée et mieux adaptée aux nouvelles conditions ambiantes, elle devait tendre à supplanter les branches plus anciennes et moins parfaites. Ainsi, par exemple, aussitôt que l’ancien type du chien usité pour la chasse au renard, amélioré par le croisement avec le lévrier, ou par simple sélection, a acquis les caractères qu’il possède aujourd’hui, — modification nécessitée probablement par la rapidité croissante de nos chevaux de chasse — il a dû rapidement se répandre dans le pays, où il est actuellement à peu près le même partout. Cette marche progressive se continue toujours, car chacun cherche à améliorer encore ses produits, en se procurant à l’occasion des chiens des meilleures meutes. C’est par une série de substitutions graduelles de cette nature, que l’ancien chien de chasse anglais a disparu, il en est probablement de même de l’ancien lévrier irlandais, et de l’ancien bouledogue anglais. Une autre cause paraît contribuer à cette extinction des anciennes races ; c’est que lorsqu’une race est peu répandue et n’est élevée que sur une petite échelle, comme c’est le cas actuellement pour le chien limier, elle ne se maintient qu’avec peine, à cause des effets nuisibles résultant de croisements consanguins longtemps continués.

  1. On présume que le terreneuvien provient d’un croisement du chien esquimau et d’un gros dogue français. Voir Hodgkin, British Association, 1844. — Bechstein, Naturgesch. Deulschlands, vol. I, p. 574. — Naturalist’s Library, vol. X, p. 132 ; — et aussi Juke, Excursion in and about Newfoundland.