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HÉRÉDITÉ.

caractères singuliers, tels que les porcs à sabots pleins, les moutons Mauchamp, le bétail Niata, etc., sont toutes des exemples de l’hérédité longtemps soutenue de rares déviations de structure.

Si nous remarquons que certaines particularités extraordinaires ont ainsi apparu chez un seul individu sur des millions, tous soumis dans un même pays aux mêmes conditions extérieures, et qu’une même anomalie s’est quelquefois manifestée chez des individus vivant dans des conditions fort différentes, nous devons en conclure que ces déviations ne peuvent pas être directement dues à l’action des conditions extérieures, mais à des lois inconnues agissant sur l’organisation ou la constitution de l’individu ; et que leur production n’est pas plus intimement liée aux conditions extérieures que ne l’est la vie elle-même. S’il en est ainsi, et que l’apparition d’un même caractère extraordinaire chez le parent et son enfant ne puisse être attribuée à ce que tous deux se soient trouvés soumis à quelques conditions inusitées, le problème suivant mérite attention, comme montrant que le résultat ne peut pas être dû, ainsi que l’ont supposé quelques auteurs, à une simple coïncidence, mais doit dépendre de ce que les membres d’une même famille héritent de quelque point commun dans leur constitution. Supposons que sur une grande population, une affection quelconque se présente une fois sur un million, de sorte que la chance a priori qu’un individu en soit atteint, soit de un millionième. Si la population est supposée être de soixante millions, et composée de dix millions de familles, par exemple, de six membres chacune, d’après le calcul des probabilités, il y aura 8333 millions de chances contre une pour que sur les dix millions de familles il y en ait à peine une où la particularité en question affecte un parent et deux enfants. Mais on pourrait citer de nombreux cas où plusieurs enfants ont présenté la même affection rare qu’un de leurs parents ; et alors, surtout si on comprend dans le calcul les petits-enfants, les chances contre une simple coïncidence deviennent presque incalculables.

L’hérédité est souvent très-frappante, dans certains cas de réapparition de détails insignifiants. Le Dr Hooker m’a signalé une famille anglaise, chez laquelle, pendant plusieurs généra-