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CAUSES DE LA STÉRILITÉ DES PLANTES.

néanmoins être attribuée au changement de climat ; ainsi les lilas persans et chinois (Syringa Persica et Chinensis), quoique très-vigoureux, ne donnent jamais de graines dans nos pays ; le lilas commun (S. vulgaris), graine passablement chez nous, mais dans certaines parties de l’Allemagne ses capsules ne contiennent jamais de graines[1].

Quelques-uns des cas, rapportés dans le chapitre précédent, de plantes impuissantes par elles-mêmes, mais fertiles, tant du côté mâle que femelle, lorsqu’on les unit à des individus ou espèces distinctes, auraient pu trouver leur place ici ; car cette forme particulière de stérilité frappant surtout les plantes exotiques ou les plantes indigènes cultivées en vases, et disparaissant dans la Passiflora alata greffée, nous pouvons conclure qu’elle est, dans ces cas, un résultat du traitement auquel les plantes ou leurs parents ont été exposés.

La disposition qu’offrent les plantes à être affectées dans leur fertilité par de légères modifications des conditions extérieures, est d’autant plus remarquable, que le pollen en voie de formation ne s’altère pas facilement ; on peut transplanter un végétal, ou couper une branche à bourgeons floraux et la mettre dans l’eau, sans empêcher la maturation du pollen ; celui-ci, une fois mûr, peut se conserver pendant des semaines et des mois[2]. Les organes femelles sont plus délicats, car Gärtner[3] a trouvé que les plantes dicotylédones, quoique transplantées avec assez de soin pour ne présenter aucun signe d’affaissement, ne peuvent que rarement être fécondées ; il en a été de même de plantes en vase, dont les racines étaient sorties par l’ouverture du fond. Dans quelques cas cependant, entre autres pour la Digitale, la transplantation n’a pas empêché la fécondation ; et, d’après le témoignage de Mawz, la Brassica rapa, arrachée et placée dans l’eau, a pu mûrir ses graines. Les pédoncules floraux de plusieurs monocotylédones coupés et mis dans l’eau ont également produit des graines. Mais je présume que, dans ces cas, les fleurs avaient déjà été fécondées, car Herbert[4] a observé qu’on peut, chez les Crocus, transplanter ou mutiler la plante après sa fécondation, sans nuire à la maturation des graines, mais que si la transplantation a lieu avant la fécondation, l’application ultérieure du pollen demeure sans effet.

Les plantes qui sont cultivées depuis longtemps peuvent généralement supporter des changements considérables, sans que leur fécondité en soit amoindrie ; mais dans la plupart des cas, elles ne résistent pas à d’aussi forts changements de climat que les animaux domestiques. Dans ces circonstances, un grand nombre de plantes sont affectées au point que les proportions et la nature de leurs éléments chimiques sont modifiées, sans que leur fécondité soit diminuée. Ainsi le Dr Falconer m’apprend qu’il y a une grande différence dans les caractères de la fibre du chanvre, dans la quantité de l’huile de la graine du lin, dans les proportions de la narcotine et de la morphine dans le pavot, dans celles de la farine et du gluten

  1. Gärtner, O. C., p. 560, 564.
  2. Gardener’s Chronicle, 1844, p. 215 ; — 1850, p. 470.
  3. O. C., p. 252, 333.
  4. Journ. of Hort. Soc., vol. II, 1847, p. 83.