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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/182

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CONTABESCENCE.

dans le froment, entre ces diverses plantes, suivant qu’elles sont cultivées dans les plaines ou dans les régions montagneuses de l’Inde ; elles n’en demeurent pas moins complétement fertiles.

Contabescence. — Gärtner a désigné sous ce nom un état particulier que présentent les anthères de certaines plantes, chez lesquelles elles sont ratatinées, deviennent brunes et dures, et ne contiennent point de bon pollen. Elles ressemblent, dans cet état, exactement aux anthères des hybrides les plus stériles. Gärtner[1] a, dans sa discussion sur ce point, montré que cette affection peut se rencontrer dans des plantes appartenant à beaucoup d’ordres, mais qu’elle atteint surtout les Caryophyllacées et les Liliacées, auxquels je crois qu’on peut ajouter les Éricacées. La contabescence varie quant au degré, mais généralement toutes les fleurs d’une même plante sont affectées d’une manière à peu près égale. Les anthères sont déjà atteintes de fort bonne heure dans le bourgeon floral, et conservent le même état, à une exception connue près, pendant la vie de la plante. Aucun changement de traitement ne guérit cette affection, qui se propage par marcottes, boutures, etc., et peut-être même par graine. Les organes femelles sont rarement affectés chez les plantes contabescentes ; ils offrent simplement un développement plus précoce. La cause de cette particularité est incertaine et paraît différer suivant les cas. Jusqu’à ce que j’eusse lu la discussion de Gärtner, je l’avais attribuée, comme l’avait fait Herbert, au traitement artificiel des plantes, mais sa permanence, malgré un changement de conditions et l’intégrité des organes femelles, ne cadre pas avec cette supposition. Le fait que plusieurs plantes indigènes deviennent contabescentes dans nos jardins paraît également lui être contraire ; mais Kölreuter admet que c’est le résultat de leur transplantation. Des plantes de Dianthus et de Verbascum, trouvées contabescentes par Wiegmann à l’état sauvage, croissaient sur une pente sèche et stérile. Le fait que les plantes exotiques sont éminemment sujettes à cette affection paraît aussi indiquer qu’elle résulte en quelque manière du traitement artificiel auquel elles sont soumises. Dans certains cas, comme pour le Silène, l’opinion de Gärtner paraît la plus probable : à savoir, qu’elle est causée par une tendance inhérente chez l’espèce à devenir dioïque. J’y ajouterai encore une autre cause, qui est l’union illégitime de plantes réciproquement dimorphes ou trimorphes, car j’ai observé des produits levés de graine de trois espèces de Primula et du Lythrum salicaria, provenant de plantes fécondées par leur propre pollen, dont les anthères étaient en tout ou en partie à l’état contabescent. Il y a peut-être une cause additionnelle, qui est la fécondation de la plante par elle-même ; car un grand nombre de Dianthus et de Lobelias, levés de graines dues à une fécondation de ce genre, avaient leurs anthères dans cet état ; toutefois ces cas ne sont pas décisifs, parce que d’autres causes peuvent déterminer la même affection chez les deux genres précités.

On rencontre également des cas inverses de plantes chez lesquelles la

  1. O. C., p. 117, etc. — Kölreuter, Zweite Fortsetzung, p. 10, 121. — Dritte, etc., p. 57. — Herbert, O. C., p. 356. — Wiegmann, Ueber die Bastarderzeugung, p. 27.