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HÉRÉDITÉ.

même jardin, conserver son caractère particulier, l’a transmis d’une manière exagérée aux produits de sa propre graine.

On peut encore citer beaucoup de faits analogues sur les caprices de l’hérédité. Tous les produits de graine d’une variété de l’épine-vinette (B. vulgaris) à feuilles rouges, ont hérité du même caractère, et un tiers seulement des semis de graine du hêtre pourpre commun (Fagus sylvatica), ont présenté des feuilles pourpres. Sur les semis d’une variété de cerisier à fruits jaunes (Cerasus padus), pas un sur cent n’a donné des fruits de cette couleur ; un douzième des semis de la variété du Cornus mascula, à fruits jaunes, a conservé le type[1], et enfin, tous les arbres levés par mon père de la graine d’un houx sauvage à baies jaunes (Ilex aquifolium) donnèrent des fruits jaunes. Vilmorin[2] ayant observé dans un semis de Saponaria calabrica une variété naine, en sema la graine, et obtint un grand nombre de plantes, dont quelques-unes ressemblèrent partiellement à la plante mère. Il en recueillit la graine, mais à la seconde génération les produits ne furent plus nains. D’autre part, le même observateur a remarqué parmi des variétés ordinaires du Tagetes signata une plante rabougrie et touffue, qui provenait probablement d’un croisement, — car presque tous ses produits de semis offraient des caractères intermédiaires, — cependant quelques-unes de ses graines reproduisirent si complètement la nouvelle variété, que presque aucune sélection n’a été ultérieurement nécessaire pour la conserver.

Les fleurs peuvent transmettre leur couleur, tantôt exactement, tantôt de la manière la plus capricieuse. Un grand nombre d’annuelles sont constantes ; ainsi, j’ai acheté des graines d’Allemagne, de 34 sous-variétés dénommées, d’une race de Matthiola annua, et en ai levé cent quarante plantes, qui toutes, à l’exception d’une seule, sont bien venues. Je dois cependant expliquer que je n’ai pu distinguer que vingt sortes sur les trente-quatre dénommées, et que les couleurs des fleurs ne correspondaient pas toujours au nom que portait le paquet ; mais j’entends qu’elles étaient bien venues, en ce sens que dans chacune des rangées que j’avais consacrée à chaque sorte, toutes les plantes étaient pareilles, une seule exceptée. Je me suis encore procuré des graines de même provenance, de vingt-cinq variétés d’Asters, dont j’ai levé cent vingt-quatre plantes, qui, à l’exception de dix, furent conformes au type, dans le sens ci-dessus indiqué ; encore ai-je compris dans ces dix même celles qui ne présentaient pas la vraie nuance de couleur.

Il est assez singulier que les variétés blanches transmettent généralement leur couleur beaucoup plus fidèlement que les autres. Ce fait est probablement en rapport avec celui observé par Verlot[3], que les fleurs qui sont normalement blanches varient rarement à une autre couleur. J’ai trouvé que, dans le Delphinium consolida et la giroflée, ce sont les variétés blanches qui sont les plus constantes, et il suffit de parcourir les listes de graines des horticulteurs pour voir qu’un grand nombre de

  1. Ces faits sont empruntés à Alph. de Candolle, Géog. Bot., p. 1083.
  2. Verlot, O. C., p. 38.
  3. O. C., p. 59.