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HÉRÉDITÉ.

variétés blanches se propagent par graine. Les diverses variétés colorées du pois de senteur (Lathyrus odoratus) sont très-constantes, mais d’après M. Masters de Canterbury, qui s’est beaucoup occupé de cette plante, c’est encore la variété blanche qui l’est le plus. La jacinthe propagée de graine est extrêmement variable de couleur, mais les jacinthes blanches reproduisent presque toujours de graine des plantes à fleurs blanches[1] ; d’après M. Masters, les jacinthes jaunes reproduisent aussi leur couleur, mais avec des différences de nuance. D’autre part, les variétés roses et les bleues, qui sont la couleur naturelle, sont loin d’être aussi constantes ; il en résulte, selon la remarque de M. Masters, qu’une variété de jardin peut acquérir un aspect plus constant qu’une espèce naturelle ; il est vrai que cela a lieu sous l’influence de la culture, et par conséquent dans des conditions modifiées.

Dans un grand nombre de fleurs, surtout dans les vivaces, rien n’est plus changeant que la couleur des produits de semis ; c’est surtout le cas dans les verveines, les œillets, les dahlias, les cinéraires et d’autres fleurs[2]. J’ai semé la graine de douze variétés dénommées du muflier (Antirrhinum majus), et n’ai obtenu comme résultat qu’une confusion inextricable. Il est probable que, dans la plupart des cas, l’excessive mobilité de la couleur des plantes de semis provient en grande partie de croisements opérés dans les générations antérieures entre des variétés de diverses couleurs. C’est presque certainement le cas pour la tubéreuse et les primevères colorées (Primula veris et vulgaris), vu leur conformation dimorphe[3], et que les horticulteurs regardent comme ne se reproduisant jamais d’une manière constante par graine ; on peut cependant observer que si on évite avec soin tout croisement, ces espèces ne se montrent pas d’une inconstance absolue. J’ai pu ainsi obtenir d’une primevère pourpre, fécondée par son propre pollen, vingt-trois plantes dont dix-huit furent pourpres de diverses nuances, les cinq autres ayant seules fait retour à la couleur jaune ordinaire. J’ai encore obtenu d’une primevère d’un rouge vif, traitée par M. Scott de la même manière, vingt plantes toutes identiques à la plante mère ; et, à la seconde génération, soixante-douze, qui, à l’exception d’une seule, furent dans le même cas. Il est très-probable que, même pour les fleurs les plus variables, on arriverait à fixer d’une manière permanente les nuances de couleur les plus délicates, et à les transmettre par graine par une sélection soutenue, une culture suivie dans un sol toujours le même, et surtout en évitant les croisements. C’est ce qui me paraît résulter de ce que j’ai observé dans quelques pieds-d’alouette annuels (Delphinium consolida et ajacis), dont les semis communs présentent la plus grande diversité dans les couleurs ; et cependant, ayant semé de la graine d’Allemagne de cinq variétés distinctes du D. consolida, je n’ai trouvé sur quatre-vingt-quatorze plantes levées de ce semis, que neuf qui ne furent pas conformes ; les semis de six variétés du D. ajacis se sont comportés

  1. Alph. de Candolle, O. C., p. 1082.
  2. Cottage Gardener, 10 avril 1860, p. 18, et sept. 10, 1861, p. 456. — Gard. Chronicle, 1845, p. 102.
  3. Darwin, Journal of Proc. Linn. Soc. Bot., 1862, p. 94.