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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/329

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LOIS DE LA VARIATION.

temps, que la couche musculaire de l’estomac d’une mouette (Larus tridactylus) s’était épaissie au bout d’une année pendant laquelle l’oiseau avait été nourri principalement de grains. D’après le Dr Edmondston, un changement analogue a lieu annuellement aux îles Shetland, dans l’estomac du Larus argentatus, qui au printemps se jette sur les champs de blé et se nourrit de grain. Le même observateur a aussi constaté un grand changement dans l’estomac d’un corbeau qui avait longtemps été soumis à une nourriture végétale. Menetries a observé chez un hibou (Strix grallaria) traité d’une manière analogue, un changement dans la forme de l’estomac, dont la membrane interne était devenue comme du cuir ; le foie avait aussi augmenté de dimensions. On ne sait si de telles modifications dans les organes digestifs pourraient, dans le cours des générations, devenir héréditaires[1].

L’augmentation ou la diminution de longueur des intestins qui paraît résulter d’un changement de régime alimentaire, est plus remarquable, parce qu’elle caractérise certains animaux à l’état domestique, et doit par conséquent être héréditaire. Le système absorbant si complexe, les vaisseaux sanguins, les nerfs et les muscles sont nécessairement modifiés avec les intestins. D’après Daubenton, les intestins du chat domestique sont plus longs d’un tiers que ceux du chat sauvage d’Europe ; et, bien que cette espèce ne soit pas la forme souche de l’animal domestique, la comparaison est probablement juste, comme l’a remarqué Isidore Geoffroy, à cause de la grande analogie qu’ont entre elles les différentes espèces de chats. Cet accroissement de longueur paraît dû à ce que le chat domestique est beaucoup moins exclusivement carnassier que ne le sont les espèces félines sauvages, car on voit des chats qui mangent les substances végétales aussi volontiers que la viande. D’après Cuvier, les intestins du porc domestique sont proportionnellement beaucoup plus longs que ceux du sanglier. Dans le lapin domestique comparé au sauvage, le changement est inverse et résulte probablement des aliments beaucoup plus nutritifs qu’on donne au premier[2].

  1. Hunter, Essays and Observations, 1861, vol. II, p. 329. — Dr Edmondston, cité dans British Birds, de Macgillivray, vol. v, p. 550. — Menetries, cité dans Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 110.
  2. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Hist. nat. gén., t. III, p. 427, 441.