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  Lois de la variation. 145

gement des conditions conduit à des résultats définis ou indéfinis. Dans ce dernier cas, l’organisme semble devenir plastique, et nous nous trouvons en présence d’une grande variabilité flottante. Dans le premier cas, la nature de l’organisme est telle qu’elle cède facilement, quand on la soumet à de certaines conditions et tous, ou presque tous les individus, se modifient de la même manière.

Il est très difficile de déterminer jusqu’à quel point le changement des conditions, tel, par exemple, que le changement de climat, d’alimentation, etc., agit d’une façon définie. Il y a raison de croire que, dans le cours du temps, les effets de ces changements sont plus considérables qu’on ne peut l’établir par la preuve directe. Toutefois, nous pouvons conclure, sans craindre de nous tromper, qu’on ne peut attribuer uniquement à une cause agissante semblable les adaptations de structure, si nombreuses et si complexes, que nous observons dans la nature entre les différents êtres organisés. Dans les cas suivants, les conditions ambiantes semblent avoir produit un léger effet défini : E. Forbes affirme que les coquillages, à l’extrémité méridionale de leur habitat, revêtent, quand ils vivent dans des eaux peu profondes, des couleurs beaucoup plus brillantes que les coquillages de la même espèce, qui vivent plus au nord et à une plus grande profondeur ; mais cette loi ne s’applique certainement pas toujours. M. Gould a observé que les oiseaux de la même espèce sont plus brillamment colorés, quand ils vivent dans un pays où le ciel est toujours pur, que lorsqu’ils habitent près des côtes ou sur des îles ; Wollaston assure que la résidence près des bords de la mer affecte la couleur des insectes. Moquin-Tandon donne une liste de plantes dont les feuilles deviennent charnues, lorsqu’elles croissent près des bords de la mer, bien que cela ne se produise pas dans toute autre situation. Ces organismes, légèrement variables, sont intéressants, en ce sens qu’ils présentent des caractères analogues à ceux que possèdent les espèces exposées à des conditions semblables.

Quand une variation constitue un avantage si petit qu’il soit pour un être quelconque, on ne saurait dire quelle part il convient d’attribuer à l’action accumulatrice de la sélection naturelle, et quelle part il convient d’attribuer à l’action définie des conditions