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240 Objections diverses.  

le chapitre précédent sous deux points de vue différents. Je veux toutefois examiner avec quelques détails plusieurs des cas avancés par M. Mivart, en choisissant les plus frappants, le manque de place m’empêchant de les considérer tous.

La haute stature de la girafe, l’allongement de son cou, de ses membres antérieurs, de sa tête et de sa langue, en font un animal admirablement adapté pour brouter sur les branches élevées des arbres. Elle peut ainsi trouver des aliments placés hors de la portée des autres ongulés habitant le même pays ; ce qui doit, pendant les disettes, lui procurer de grands avantages. L’exemple du bétail niata de l’Amérique méridionale nous prouve, en effet, quelle petite différence de conformation suffit pour déterminer, dans les moments de besoin, une différence très importante au point de vue de la conservation de la vie d’un animal. Ce bétail broute l’herbe comme les autres, mais la projection de sa mâchoire inférieure l’empêche, pendant les sécheresses fréquentes, de brouter les branchilles d’arbres, de roseaux, etc., auxquelles les races ordinaires de bétail et de chevaux sont, pendant ces périodes, obligées de recourir. Les niatas périssent alors si leurs propriétaires ne les nourrissent pas. Avant d’en venir aux objections de M. Mivart, je crois devoir expliquer, une fois encore, comment la sélection naturelle agit dans tous les cas ordinaires. L’homme a modifié quelques animaux, sans s’attacher nécessairement à des points spéciaux de conformation ; il a produit le cheval de course ou le lévrier en se contentant de conserver et de faire reproduire les animaux les plus rapides, ou le coq de combat, en consacrant à la reproduction les seuls mâles victorieux dans les luttes. De même, pour la girafe naissant à l’état sauvage, les individus les plus élevés et les plus capables de brouter un pouce ou deux plus haut que les autres, ont souvent pu être conservés en temps de famine ; car ils ont dû parcourir tout le pays à la recherche d’aliments. On constate, dans beaucoup de traités d’histoire naturelle donnant les relevés de mesures exactes, que les individus d’une même espèce diffèrent souvent légèrement par les longueurs relatives de leurs diverses parties. Ces différences proportionnellement fort légères, dues aux lois de la croissance et de la variation, n’ont pas la moindre importance ou la moindre utilité chez la plupart des espèces. Mais si l’on tient