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342 Hybridité.  

En résumé, l’étude des plantes dimorphes et trimorphes semble nous autoriser à conclure que la stérilité des espèces distinctes croisées, ainsi que celle de leurs produits hybrides, dépend exclusivement de la nature de leurs éléments sexuels, et non d’une différence quelconque de leur structure et leur constitution générale. Nous sommes également conduits à la même conclusion par l’étude des croisements réciproques, dans lesquels le mâle d’une espèce ne peut pas s’unir ou ne s’unit que très difficilement à la femelle d’une seconde espèce, tandis que l’union inverse peut s’opérer avec la plus grande facilité. Gärtner, cet excellent observateur, est également arrivé à cette même conclusion, que la stérilité des espèces croisées est due à des différences restreintes à leur système reproducteur.

LA FÉCONDITÉ DES VARIÉTÉS CROISÉES ET DE LEURS DESCENDANTS MÉTIS N’EST PAS UNIVERSELLE.

On pourrait alléguer, comme argument écrasant, qu’il doit exister quelque distinction essentielle entre les espèces et les variétés, puisque ces dernières, quelque différentes qu’elles puissent être par leur apparence extérieure, se croisent avec facilité et produisent des descendants absolument féconds. J’admets complètement que telle est la règle générale ; il y a toutefois quelques exceptions que je vais signaler. Mais la question est hérissée de difficultés, car, en ce qui concerne les variétés naturelles, si on découvre entre deux formes, jusqu’alors considérées comme des variétés, la moindre stérilité à la suite de leur croisement, elles sont aussitôt classées comme espèces par la plupart des naturalistes. Ainsi, presque tous les botanistes regardent le mouron bleu et le mouron rouge comme deux variétés ; mais Gärtner, lorsqu’il les a croisés, les ayant trouvés complètement stériles, les a en conséquence considérés comme deux espèces distinctes. Si nous tournons ainsi dans un cercle vicieux, il est certain que nous devons admettre la fécondité de toutes les variétés produites à l’état de nature.

Si nous passons aux variétés qui se sont produites, ou qu’on suppose s’être produites à l’état domestique, nous trouvons encore matière à quelque doute. Car, lorsqu’on constate, par