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  Changements simultanés des formes vivantes. 401

nous y découvrions une série de phénomènes analogues, il nous paraîtra alors certain que toutes les modifications des espèces, leur extinction, l’introduction d’espèces nouvelles, ne peuvent plus être le fait de simples changements dans les courants de l’Océan, ou d’autres causes plus ou moins locales et temporaires, mais doivent dépendre de lois générales qui régissent l’ensemble du règne animal. » M. Barrande invoque d’autres considérations de grande valeur qui tendent à la même conclusion. On ne saurait, en effet, attribuer à des changements de courants, de climat, ou d’autres conditions physiques, ces immenses mutations des formes organisées dans le monde entier, sous les climats les plus divers. Nous devons, ainsi que Barrande l’a fait observer, chercher quelque loi spéciale. C’est ce qui ressortira encore plus clairement lorsque nous traiterons de la distribution actuelle des êtres organisés, et que nous verrons combien sont insignifiants les rapports entre les conditions physiques des diverses contrées et la nature de ses habitants.

Ce grand fait de la succession parallèle des formes de la vie dans le monde s’explique aisément par la théorie de la sélection naturelle. Les espèces nouvelles se forment parce qu’elles possèdent quelques avantages sur les plus anciennes ; or, les formes déjà dominantes, ou qui ont quelque supériorité sur les autres formes d’un même pays, sont celles qui produisent le plus grand nombre de variétés nouvelles ou espèces naissantes. La preuve évidente de cette loi, c’est que les plantes dominantes, c’est-à-dire celles qui sont les plus communes et les plus répandues, sont aussi celles qui produisent la plus grande quantité de variétés nouvelles. Il est naturel, en outre, que les espèces prépondérantes, variables, susceptibles de se répandre au loin et ayant déjà envahi plus ou moins les territoires d’autres espèces, soient aussi les mieux adaptées pour s’étendre encore davantage, et pour produire, dans de nouvelles régions, des variétés et des espèces nouvelles. Leur diffusion peut souvent être très lente, car elle dépend de changements climatériques et géographiques, d’accidents imprévus et de l’acclimatation graduelle des espèces nouvelles aux divers climats qu’elles peuvent avoir à traverser ; mais, avec le temps, ce sont les formes dominantes qui, en général, réussissent le mieux à se répandre et, en définitive, à prévaloir.