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420 Succession géologique des êtres organisés.  

nombreuses phases de transition, il est probable que les périodes pendant lesquelles elle a subi des modifications, bien que longues, si on les estime en années, ont dû être courtes, comparées à celles pendant lesquelles chacune d’elle est restée sans modifications. Ces causes réunies expliquent dans une grande mesure pourquoi, bien que nous retrouvions de nombreux chaînons, nous ne rencontrons pas des variétés innombrables, reliant entre elles d’une manière parfaitement graduée toutes les formes éteintes et vivantes. Il ne faut jamais oublier non plus que toutes les variétés intermédiaires entre deux ou plusieurs formes seraient infailliblement regardées comme des espèces nouvelles et distinctes, à moins qu’on ne puisse reconstituer la chaîne complète qui les rattache les unes aux autres ; car on ne saurait soutenir que nous possédions aucun moyen certain qui nous permette de distinguer les espèces des variétés.

Quiconque n’admet pas l’imperfection des documents géologiques doit avec raison repousser ma théorie tout entière ; car c’est en vain qu’on demandera où sont les innombrables formes de transition qui ont dû autrefois relier les espèces voisines ou représentatives qu’on rencontre dans les étages successifs d’une même formation. On peut refuser de croire aux énormes intervalles de temps qui ont dû s’écouler entre nos formations consécutives, et méconnaître l’importance du rôle qu’ont dû jouer les migrations quand on étudie les formations d’une seule grande région, l’Europe par exemple. On peut soutenir que l’apparition subite de groupes entiers d’espèces est un fait évident, bien que la plupart du temps il n’ait que l’apparence de la vérité. On peut se demander où sont les restes de ces organismes si infiniment nombreux, qui ont dû exister longtemps avant que les couches inférieures du système cumbrien aient été déposées. Nous savons maintenant qu’il existait, à cette époque, au moins un animal ; mais je ne puis répondre à cette dernière question qu’en supposant que nos océans ont dû exister depuis un temps immense là où ils s’étendent actuellement, et qu’ils ont dû occuper ces points depuis le commencement de l’époque cumbrienne ; mais que, bien avant cette période, le globe avait un aspect tout différent, et que les continents d’alors, constitués par des formations beaucoup plus anciennes que celles que nous